Top albums - été 2017
Tout est dans le titre, l’été c’est coutumier, les sorties font relâche mais on arrive toujours à extraire du petit lot des stakhanovistes estivaux quelques grands albums et EPs qui mettent tout le monde d’accord dans l’équipe. Parus entre le 1er juillet et le 31 août, les voici compilés et commentés par les rédacteurs d’IRM qui ne farnientent jamais très loin de la platine.
Nos albums de l’été
1. Ghostpoet - Dark Days & Canapés
"Produit par l’ingé son et guitariste Leo Abrahams qui a pleinement contribué au même titre que les musiciens de studio à la dimension organique de ce nouveau bijou, Dark Days & Canapés fait écho par son titre même et sans ambiguïté au premier sommet Peanut Butter Blues & Melancholy Jam. Mais s’il s’avère dans la disco d’Obaro Ejimiwe en être le plus proche en terme de cohérence atmosphérique et d’inspiration retrouvée après un Shedding Skin ouvert aux quatre vents de collaborations indie plus ou moins électriques ou intimistes mais légèrement en deçà de ses prédécesseurs, il témoigne à la fois de l’aboutissement d’une évolution désormais évidente qui s’est faite petit à petit à coups de guitares claires-obscures et d’arrangements spleenétiques à la façon du Pulp du tournant des 00s ou des Tindersticks des 90s (avec son piano crépusculaire et ses trémolos de guitare désespérés, Many Moods At Midnight en est ici l’exemple le plus frappant) voire pourquoi pas Talk Talk (influence avouée du beau Blind As A Bat... avec son trio de cordes impressionnistes sur fond de guitare méditative aux accords épurés), et de l’inéluctabilité d’une trajectoire déjà perceptible en filigrane sur le chef-d’œuvre sus-nommé dont on vantait à sa sortie la digestion aussi intense qu’élégante de tout un héritage bristolien mélangeur, via Massive Attack en particulier.
Woe Is Meee voit d’ailleurs Daddy G partager le micro avec son disciple avoué le temps d’un western existentialiste à la Jamaïcaine, qu’il habite en seconde moitié de son timbre enfumé, cool et vénéneux à la fois, celui-là même auquel on doit la réinvention du spoken word sur un Blue Lines qui n’a pas manqué de marquer de son empreinte hybridatrice l’ensemble des travaux de Ghostpoet. Entre l’électro-tribal One More Sip en ouverture qu’on jurerait tout droit sorti des sessions d’Heligoland et un diptyque Karoshi/Immigrant Boogie presque trop ouvertement réminiscent de Mezzanine pour ne pas souffrir de la comparaison, les bons génies trip-hop étendent d’ailleurs leur ombre sur une partie du disque et pourtant, jamais Ghostpoet n’aura autant brillé par son idiosyncrasie."
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(Rabbit)
2. Mammút - Kinder Versions
"Oscillant toujours entre post-punk et trip-hop, mais s’approchant peut-être plus encore que par le passé de ce second versant, les cinq islandais convoquent une atmosphère neurasthénique dont ne se départissent jamais ces neuf compositions finement produites. A l’instar du clip de Breathe Into Me, enregistré sur leurs téléphones portables lors d’une pause récréative au milieu de la neige séparant deux prises, Mammút est en permanence pris entre deux tentations diamétralement opposées. La volonté d’écouter ses envies se heurte ainsi à quelques névroses obsessionnelles conduisant le quintet à toujours vouloir rendre une copie impeccable.
Une base brute sublimée par un travail acharné, en somme. Entre nonchalance et stakhanovisme, Mammút balance toujours. C’est aussi la preuve que le groupe ne veut céder à aucune compromission, comme l’illustre Walls, dont le chant sur le fil vient défier avec force les guitares électriques au fur et à mesure de ce titre hautement addictif. La voix de Katrína Mogensen, évoquant assez clairement celle de sa brillante aînée et compatriote Björk, contribue aussi à augmenter l’ampleur du panel émotionnel qui se dégage de ces neuf morceaux tutoyant parfois cette grâce électrique, à l’instar des guitares enflammées à la réverbération syncopée de Pray For Air.
De la nostalgie se dégageant des cordes frottées de The Moon Will Never Turn On Me à la tristesse de la ballade Sorrow dominée par les synthés, la spiritualité dans son sens le plus large semble hanter ce disque. Sans oublier l’espoir incarné par We Tried Love, sa rythmique aussi martiale qu’abrasive et sa voix possédée, soutenue par un chœur fantomatique."
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(Elnorton & Spydermonkey)
3. Raz Ohara - Like a Jungle Sometimes
"Plus encore qu’avec l’ethno-mutant et fantasmagorique Y sorti en janvier dernier en collaboration avec l’Allemand Cummi Flu, c’est avec ce nouvel album solo, successeur de Moksha tellement passé entre les mailles dans le no man’s land estival qu’il n’est même pas encore référencé sur Discogs, que le vocaliste danois du génial Apparat nous aura impressionnés cette année par son sens de l’épure hypnotique et de la suspension deep inégalé dans un post-dubstep croulant depuis quelques années sous les ersatz d’un James Blake à court d’élégance et d’idées.
Et dieu sait que des idées, Patrick Rasmussen n’en manque pas, à commencer par la plus fameuse d’entre toutes, plonger ses racines à la source de toute bonne pop électronique aventureuse et syncopée qui se respecte, celle de Massive Attack et de son faux trip-hop aux beats vertigineux et aux nappes mouvantes et lancinantes, dès l’entame d’album AAP (Artists Are Pussies).
Il faut dire que du propre aveu de l’intéressé, c’est bien l’époque de ses premiers travaux, c’est à dire les 90s, qui berce ces 7 morceaux ensorcelants autant que vénéneux, et You Say Party I Say Die enfonce le clou d’une filiation justifiée avec la clique de 3D et Daddy G, véritable cousin de Group Four qui s’en démarque néanmoins brillamment par ses mutations successives aux mouvements emboîtés mais distincts, et par un final acoustique baigné de spleen et d’acousmatique désincarnée à la David Sylvian, point d’orgue d’une plongée remarquable dans les tréfonds du subconscient... une jungle parfois."
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(Rabbit)
4. Couch Slut - Contempt
Éloignez les enfants de l’écran et des enceintes ! Bien que la pochette soit beaucoup moins frontale et pornographique que celle de My Life As a Woman
en 2014 (on reconnaît malgré tout la patte sombre si spéciale de l’artiste Leandro De Cotis), c’est musicalement que les Couch Slut poussent le bouchon un peu plus loin. Contempt, d’une violence inouïe et accrue, est à la fois une ode aux larsens, aux basses fuzzées et aux fulgurances mélodiques post-grunge et un excellent exercice de défoulement cathartique. Subversifs et abrasifs de tous sens, les musiciens nous violentent à coup de hardcore chaotique, Megan Osztrosits s’égosille, comme possédée, délurée... on atteint le coït dans ses bras, sale et frissonnant mais déjà prêt à revenir !
(Riton)
D’autres albums de cet été conseillés par la rédaction :
5. Alder & Ash - Clutched in the Maw of the World
6. Grizzly Bear - Painted Ruins
7. Anton Kubikov - Whatness
8. Nadia Sirota - Tessellatum
Nos EPs de l’été
1. Nine Inch Nails - Add Violence
"Sorti à la mi-juillet dans l’anonymat le plus total (on exagère à peine) alors que les réseaux sociaux et l’immédiateté ambiante ont tendance à transformer en événement la moindre déjection d’une ancienne gloire, Add Violence méritait un écho plus large.
Trent Reznor semble aller mieux. Mais il est tout à fait possible d’être légitime comme prêcheur de tourments, même lorsque l’on est quinquagénaire et que l’on a su triompher (au moins provisoirement) de ses démons. Il le prouve d’entrée avec Less Than, cavalcade au débit enlevé toute électricité dehors, fleurant bon l’époque du mésestimé With Teeth et enchaîne avec The Lovers dont les blips instables qui lui sont si chers se promènent derrière une instrumentation minimaliste rappelant les effluves de The Fragile qu’accompagnent les chuchotements du chanteur.
Après la transition apaisée que constitue This Isn’t The Place sur laquelle les différentes parties, qu’elles soient vocales ou instrumentales, opèrent par soufflements, la folie qui a toujours jalonné la discographie de NIN réapparaît sur un Not Anymore schizophrénique, alternant l’incantation survoltée sur une instrumentation minimaliste et l’expiation de pulsions violentes sur un fond sonore électrique saturé. Désormais épaulé dans ce projet par Atticus Ross, Trent Reznor achève cette livraison avec The Background World, odyssée apocalyptique de près de douze minutes, enchaînant en permanence, sous des semblants de faux-rythme particulièrement efficaces, les requêtes à un au-delà auquel il n’a jamais cru et les sur-saturations de drones."
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(Elnorton)
2. Strangelove - EP 1
On avait lâché les trois Strangelove en 2013 avec les 10 minutes d’une Chango Tree Tape et surtout un Purple EP composé de juste 5 titres qui à l’époque nous avait immédiatement et littéralement bluffés. Depuis nous n’avions presque plus rien eu à nous mettre sous la dent, quelques projets solo signés Freedom, Jakoboski ou Chango, mais rien avec le blase de Strangelove, alors quand début août, nous sommes tombés sur EP 1, nous nous sommes de nouveau mis à rêver de hip-hop hypnotique à la sauce anglaise pour malaxer nos âmes de vacanciers déjà abîmés par trop de Despacito !
EP 1, c’est là aussi juste 5 titres avec le même trio au micro et un Chango qui assure l’ensemble des productions. Un EP plus mûr, moins frontal que Purple, plus délicat et réfléchi qui commence sublimement avec Lonely Souls pour chiller au ralenti, qui revient vers le narcotique avec un Afterlude comme enregistré à l’intérieur d’une pipe à eau, qui lorgne vers le jazzy avec Stumbling, qui s’élève avec Kisses et ses flows délicatement déformés, aériens et contemplatifs et qui se termine avec Time, un titre dont on a l’impression qu’il démarre après 4 minutes 30 d’ambiances hésitantes, un titre minimal, mais une petite merveille comme seuls les Strangelove savent le faire. Faudra-t-il encore attendre 4 ans ?
(Spoutnik)
3. Miyamigo - Paper Theater
"S’il fallait retenir un artiste se posant en barycentre des influences que nous voulons les plus larges parmi lesquelles nous tentons de brasser, Miyamigo pourrait faire partie de la liste des nominés. Non content d’illuminer le troisième volet de notre compilation IRMxTP avec un 28 éthéré et rassurant, le producteur américain ouvre les canaux conduisant jusqu’aux tréfonds de son âme sur ce Paper Theater.
Toujours avide de sonorités abstract mélancoliques et cotonneuses, qu’il agrémente d’un voile jazzy conférant à l’ensemble une dimension cinématographique qui en faisait un invité évident pour ce projet dédié à l’univers de Twin Peaks, Miyamigo fait toujours preuve d’une grande curiosité au moment d’apposer ses collages sonores complexes et aventureux au milieu de boîtes à rythmes doucereuses.
Plus atmosphérique que son prédécesseur Embiid, Paper Theater est donc un condensé de tout ce que l’on aime dans ces colonnes. Des contre-pieds permanents assurés par une créativité débordante qui refuse le surplace en associant des éléments synthétiques ambitieux à une acoustique soignée, que demander de plus, franchement ?"
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(Elnorton)
Nos beat tapes de l’été
1. Dirty Art Club - Basement Seance
Encore un retour de revenants du hip-hop ! Cette fois-ci le duo est ricain, de Charlotte en Caroline du Nord, et là aussi depuis le petit chef-d’œuvre de beatmaking qu’a été Vermilion en 2013, plus rien à se mettre sous la dent ! Basement Seance signe donc le retour aux affaires des Dirty Art Club et réaffirme que les deux beatmakers font vraiment partie des plus grands. Les 23 pistes sont gavées de psychédélisme et de soul, nappées d’instrumentations supplémentaires et transformées en 23 pépites où les idées fusent un peu à la manière de Madlib avec la magie d’Edan en plus et où votre âme va se perdre avec bonheur.
(Spoutnik)
2. Sono TWS x Oso Blanco - Connections Series - C004
Connections Series - C004 ou quand le Brésil rencontre la Californie ou la première collaboration entre Sono TWS et Oso Blanco, voilà comment on aurait pu intituler cette cassette. Ici, on kiffe les beatmakers, alors voir les deux ensemble, on dit merci 77 Rise Recordings et Beat Tape Co-Op ! On les kiffe tellement que Sono TWS est sur notre compil’ Through the Darkness of Future Past (Lonely Souls) et que Oso Blanco sera sur une des prochaines même si son Cooper’s Dreams est déjà en écoute ici. Pour revenir à l’album, le Brésilien assure une face de 15 minutes avec tout le cool, le sexy et l’espièglerie qu’on lui connaît. Le Californien quant à lui assure l’autre moitié avec plus de DIY, plus de bordel, plus d’expérimentation, mais les deux font du bon taff et on se régale à chaque fois de leur abstract jubilatoire !
(Spoutnik)
Le choix des rédacteurs
Elnorton :
1. Ghostpoet - Dark Days + Canapés
2. Mammút - Kinder Versions
3. Public Service Broadcasting - Every Valley
4. This Is The Kit - Moonshine Freeze
5. Anton Kubikov - Whatness
Lloyd_cf :
1. Mammút - Kinder Versions
2. Grizzly Bear - Painted Ruins
3. Iron & Wine - Beast Epic
4. Waxahatchee - Out in the Storm
5. EMA - Exile in the Outer Ring
Rabbit :
1. Monty Adkins - A Year at Usher’s Hill
2. Ghostpoet - Dark Days + Canapés
3. Raz Ohara - Like a Jungle Sometimes
4. thisquietarmy - Democracy of Dust
5. Broken Social Scene - Hug of Thunder
Riton :
1. Cough Slut - Contempt
2. Raz Ohara - Like a Jungle Sometimes
3. Ghostpoet - Dark Days + Canapés
4. Katie Von Schleicher - Shitty Hits
5. Alder & Ash - Clutched in the Maw of the World
Spoutnik :
1. Uncommon Nasa - Written at Night
2. milo - who told you to think ? ? ! ! ? ! ? ! ? !
3. Menes The Pharaoh & Golden Mask - Party in a Pyramid
4. Lex Boogie & Senz Beats - A Tale of 2 Planets / Tanuki Records #26
5. Ill Clinton & John E Cab - Crumb Bums
Spydermonkey :
1. Mammút - Kinder Versions
2. Sólveig Matthildur - Unexplained Miseries & The Acceptance Of Sorrow
3. William Ryan Fritch - The Old Believers (Extended Edition)
4. Nadia Sirota - Tessellatum
5. Ghostpoet - Dark Days + Canapés
Retour aux affaires mensuelles prévu pour début octobre avec un gros, très gros mois de septembre en perspective, dont on se régale d’avance de vous délivrer dans quelques semaines et tout à fait subjectivement la substantifique moelle. En attendant, c’est dans notre streaming du jour, nos chroniques et nos avis express que ça se passe !
Nine Inch Nails sur IRM
Ghostpoet sur IRM - Myspace
Strangelove sur IRM - Bandcamp
Raz Ohara sur IRM
Mammút sur IRM
SonoTWS sur IRM - Bandcamp
Oso Blanco sur IRM - Bandcamp
Miyamigo sur IRM - Bandcamp
Dirty Art Club sur IRM
Couch Slut sur IRM
- Sulfure Session #1 : Aidan Baker (Canada) - Le Vent Se Lève, 3/02/2019
- Sulfure Session #2 : The Eye of Time (France) - Le Vent Se Lève, 3/02/2019
- Aidan Baker + The Eye of Time (concert IRM / Dcalc - intro du Sulfure Festival) - Le Vent Se Lève (Paris)
- Guillaume Pervieux - L'image
- Mariska Baars / Niki Jansen / Rutger Zuydervelt - Hardanger
- Bibio - Phantom Brickworks II
- Sameer Ahmad - Ras El Hanout EP
- Linus Alberg - Signs from Outer Space EP
- Kotra - Grit Light
- Mind the Beatz - Crazy Bar EP
- Red Snapper feat. David Harrow - Tight Chest EP
- B R A H J A - Nebulizer
- Blockhead - Mortality Is Lit !
- Tarwater - Nuts of Ay
- The Declining Winter - Last April
- Nick Wheeldon - Make Art
- Coilguns - Odd Love
- Father John Misty - Mahashmashana