Girls In Hawaii - Nocturne
La marche était trop haute. Ils s’étaient cassé les dents dessus. En 2013, avec Everest, Girls In Hawaii peinait à convaincre. L’ambiance en studio avait été plus chaotique que jamais, le nouveau batteur Andy Reinhard finissant même par quitter l’aventure peu avant la tournée promotionnelle.
1. This Light
2. Guinea Pig
3. Cyclo
4. Indifference
5. Overrated
6. Blue Shape
7. Walk
8. Monkey
9. Willow Grove
10. Up On The Hill
Surtout, le groupe avait traversé un épisode incroyablement douloureux. De ceux qui poussent à se réinventer, et promettent d’accoucher de chefs-d’œuvre ou de s’écraser lamentablement. Deux phases empruntées par les natifs de Braine-l’Alleud, mais dans l’autre sens. En effet, après l’échec que constituait un Everest inférieur à ses deux premiers longs-formats, le groupe tutoie les sommets avec Nocturne, réalisant peut-être même son grand-œuvre à cette occasion.
En 2010, le batteur Denis Wielemans – frère de l’un des chanteurs du groupe, Antoine – décédait dans un accident de voiture à Bruxelles. La candeur assumée des compositions du sextet – plus évidente encore sur le From Here To There initial – n’avait donc plus de sens. A cet Everest plombé, mais peu imaginatif succédait un EP de chûtes intitulé Refuge qui, à l’inverse, laissait augurer des jours meilleurs. Ceux-ci arrivent enfin et les Girls In Hawaii semblent avoir trouvé leur équilibre à tous les niveaux.
Finis les changements de line-up qui ont perturbé le groupe entre 2010 et 2012, la stabilité est à nouveau de mise. Everest était un accident, et il était de toute manière impossible de se remettre de pareil drame. Après avoir vécu une pareille expérience, on n’a plus peur de rien. Pas même d’utiliser des effets d’autotune trop prononcés pour convaincre sur l’introduction de Guinea Pig. Heureusement, la douce mélodie basée sur un enchaînement d’arpèges délicats prend le relais et, si à quelques reprises, l’autotune reprend ses droits sur le morceau, cela est réalisé de manière suffisamment subtile – et discrète – pour ne pas gâcher l’ensemble.
Le génial Indifference à la montée en puissance progressive soutenue par quelques claviers hédonistes admet également la présence d’un effet autotune, mais il est là encore suffisamment discret pour justifier son utilisation. Les Belges ne renouvèlent pas l’expérience sur le reste du disque, ce qui constitue un point positif tant cet intermède ne semble pouvoir être digéré que dans le cadre de tentatives isolées.
Girls In Hawaii n’est toutefois plus le même groupe que celui qui était composé de musiciens dans leur vingtaine et dont les préoccupations, de par leur âge et leur vécu, étaient forcément plus terre à terre. Avec l’introductif This Light, c’est un downtempo sur lequel se mêlent détresse et espoir qui apparaît, loin de la légèreté des premiers disques, et bien plus proche du génial Leviathan, sommet de l’EP Refuge de 2014, ou de Misses, l’une des rares fulgurances d‘Everest.
S’inspirant de contemporains autant qu’ils tracent leur propre route, les Belges semblent emprunter à Robin Foster, sur la première partie de Cyclo, une ligne d’arpèges de guitare électrique. L’arrivée des mélopées plaintives, puis des cordes et de la batterie, rappellent toutefois la pop ambitieuse à laquelle le groupe était habitué auparavant et qui atteignait probablement son apogée en 2008 avec Plan Your Escape.
De l’électricité brumeuse et rageuse d’Overrated à la ballade désarmante Monkey en passant par le downtempo de Blue Shape aux effluves électroniques transcendants, Nocturne emprunte des directions variées, mais répond à une cohérence permanente : celle d’un groupe libéré du poids des contraintes, et de l’obligation de réussir un disque abouti en mémoire d’un ami, d’un frère, regretté.
Walk renoue avec la légèreté pop des premiers albums, la volupté des voix nous plongeant dans les réminiscences de la discographie initiale du groupe, alors que le final Up On The Hill rappelle le chemin parcouru par la formation. Le ton est plus sombre, les claviers se font même presque funèbres. Mais il émerge toujours quelque chose de radieux derrière ces nuages opaques.
Ainsi, lorsque les nappes granuleuses en arrière-plan de Willow Grove se mêlent à une batterie martiale, des voix sur un fil émotionnel incertain et des guitares métronomiques, les Girls In Hawaii touchent au sublime. On n’en demandait pas tant. Le tout, sans utiliser de recette et sans se renier. En allant de l’avant. Ce qui est toujours plus simple que de foncer tête la première sur une montagne de près de 9 000 mètres.
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