Entretiens à Twin Peaks : #60 - The Holy Circle
Retrouvez chaque semaine dans nos pages les interviews de quelques-uns des contributeurs à la future compil’ Twin Peaks d’IRM. Lorsque nous avons proposé à Terence Hannum de participer au projet, nous nous attendions à l’y retrouver avec l’un de ces morceaux dark ambient magnétique et abstrait dont le claviériste et vocaliste de Locrian a le secret, comme sur Via Negativa ou tout récemment Impiety. Autant dire que la surprise fut de taille à la réception d’un morceau signé The Holy Circle, trio dream-pop nettement plus avenant dont il tient les guitares et synthés, emmené par son épouse à la ville Erica Burgner-Hannum et complété par Nathan Jurgenson aux fûts.
Un groupe dont vous allez très certainement entendre reparler tant leur premier album éponyme sorti le 6 juin a tout pour mettre d’accord les amateurs de chansons planantes et d’expérimentations discrètes. Et cerise sur le gâteau, le trio nous offrira cet été à la sortie du 7e volume de notre compilation, au tracklisting duquel figurera leur reprise de The Nightingale tout spécialement enregistrée pour l’occasion, une vidéo dont voici en extrait en avant-première rien que pour vos yeux... et vos tympans bien entendu :
L’interview
IRM : Comment résumeriez-vous votre rapport à Twin Peaks ? A l’univers de Lynch en général ?
Erica Burgner-Hannum : J’entrais en 5e en 1990 et j’ai regardé l’épisode pilote de Twin Peaks avec ma mère. C’était bien trop étrange pour elle, mais j’étais captivé et j’ai réussi à convaincre ma mère de me laisser voir la suite. Terence est un énorme fan de David Lynch. Personnellement je préfère sa version de Dune que j’adore, un roman complètement impossible à filmer donc pourquoi ne pas laisser Lynch le malmener un peu ?!
Terence Hannum : Comme beaucoup de gens de ma génération je pense, Twin Peaks a été la première œuvre de Lynch à laquelle j’ai été exposé, car ça passait à la télé. A mesure que je me familiarisais avec les films d’auteur, je pense que c’est ce fil que j’ai suivi jusqu’à découvrir et aimer Elephant Man. Lost Highway m’a fait forte impression quand j’étais au lycée car je l’ai vu au cinéma. Et Blue Velvet m’a souvent guidé vers les bas-fonds louches et glauques cachés sous la surface des villes. Lynch m’a également encouragé à découvrir tout un tas de films surréalistes tels que ceux de Maya Deren, Man Ray, etc.
Votre personnage préféré dans la série ?
Erica : Bobby parce que j’avais un énorme béguin pour lui mais je voulais être Audrey parce qu’elle ressemblait à Norma Jean [Marilyn Monroe, ndlr].
Terence : Honnêtement, la Dame à la Bûche, pour la façon dont elle donnait des indices tantôt significatifs ou inutiles, j’ai adoré les intros qu’elle a faites pour la rediffusion sur Bravo, avant que cette chaîne ne se transforme en télé poubelle sur les femmes au foyer pleines de thunes. Quoi qu’il en soit, le fait que l’agent du FBI se fie à ses talents de médium a été un grand tournant dans les séries d’enquête à mon avis.
Une scène qui vous a particulièrement touchés... ou fait flipper ?
Erica : Bob était terrifiant. Et l’image toujours iconique de Laura Palmer enveloppée de plastique, le visage bleuté, demeure profondément triste.
Terence : Ce qui m’a marqué, c’était plutôt les plans atmosphériques de la nature ou de l’obscurité, la ville à la nuit tombée. C’était assez en avance sur son temps pour une série télé et vraiment obsédant.
Vous avez enregistré un morceau pour notre future compilation Twin Peaks, qui fera partie d’un volume 7 plus "pop", actuellement en cours de mastering. Quel aspect de la série vous a inspiré ? Toute anecdote est bienvenue !
Erica : Terence adore vraiment la chanson The Nightingale. Je ne suis pas du genre à faire des reprises normalement. Parfois ça tourne un peu au karaoké, mais j’ai eu des idées pour les couches vocales et les boucles aussitôt que Terence m’a soumis le projet. Les percus de Nathan ont transformé l’essai.
Terence : Honnêtement, les reprises, je préfère me contenter d’y penser, MAIS, ces chansons de Julee Cruise pour Twin Peaks ont quelque chose de spécial. Avec la BO d’Angelo Badalamenti, ça a beaucoup contribué à donner le ton des épisodes. En fait, nous l’avons en quelque sorte enregistré séparément puis monté ensemble, c’était intéressant de le voir s’assembler comme ça.
Vous avez eu vent de quelques-uns des musiciens impliqués dans ce projet. Duquel êtes-vous le plus curieux d’entendre la contribution ?
Terence : Eh bien mon compère au sein de Locrian, André Foisy, a enregistré un excellent morceau. Mais j’attends avec impatience ceux de Fabio Orsi, de mes potes de Northumbria, Lawrence English, Kyle Bobby Dunn, Benoît Pioulard et Aidan Baker [le morceau de ce dernier est déjà disponible ici, ndlr].
Un album vers lequel vous revenez quand il vous faut votre dose de Garmonbozia ?
Terence : Capture and Release de Khanate.
Votre album éponyme vient de sortir mardi, en même temps que le second volet de notre compilation, et il nous évoque tout autant le romantisme à synthés de Julee Cruise que les grandes heures dream-pop de 4AD tout en sonnant furieusement actuel avec une intensité presque post-rock parfois dans la section rythmique et des sonorités darkwave plus lo-fi. Quelques mots à ce propos ? Quels sont vos plans pour la suite, une tournée ?
Erica : Nous avons écrit les chansons que nous voulions écrire et jusqu’ici la réception est positive. Je pense que nous avons pu utiliser nos influences comme points de référence tout en créant quelque chose d’original et unique. Nous avons beaucoup de concerts excitants prévus pour cet été et cet automne à Chicago, Milwaukee, Baltimore et New York. Une tournée ce serait incroyable alors voyons comment ça se passe.
Terence : Je trouve que c’est une excellente analyse, merci. Nous sommes heureux de l’avoir accouché, et allons définitivement faire des concerts. Bien sûr, nous avons déjà de nouveaux morceaux et nous sommes impatients de les enregistrer aussi.
Avez-vous commencé à regarder la saison 3 ? Qu’en pensez-vous jusque là ?
Erica : Nous avons fidèlement regardé chaque nouvel épisode. Tout est profondément confus à ce stade. Cependant, le monologue de Michael Cera était hilarant et j’espère vraiment qu’on le reverra dans de futurs épisodes. La série est visuellement magnifique et étrangement calme. J’ai hâte de voir comment les pièces du puzzle vont s’assembler.
Terence : Je pense que pour le moment, il y a tellement de pistes, ça n’est pas une série facile à suivre, il faut être fan pour apprécier je crois, c’est dur de commencer à froid. Cela dit, j’aime vraiment la façon dont les choses se resserrent, et que le spectateur doive faire un effort pour assembler les morceaux. Après cinq épisodes ça commence à trouver un sens. Et impossible de blâmer une série pour avoir Uniform et The Chromatics dans sa bande-son.
The Holy Circle sur Bandcamp / Facebook / Twitter / Soundcloud
Original english version
IRM : How would you describe your relationship with Twin Peaks ? With the work/world of David Lynch in general ?
Erica Burgner-Hannum : I started 7th grade in 1990 and I watched the pilot episode of Twin Peaks with my mother. It was way too weird for my mother but I was captivated and somehow convinced my mother to let me see more episodes. Terence is a huge David Lynch fan. I personally prefer his interpretation of Dune which I love and it’s a novel that is completely impossible to film so why not let Lynch tackle it ?!
Terence Hannum : I think, like many in my generation, Twin Peaks was maybe the first Lynch we were exposed to, since it was in our homes. I think as I got into more art films and what not there was this seed planted from there that I followed to like Elephant Man. Lost Highway left a big impression on me when I was in high school since I saw it in the theatre. And Blue Velvet was something that has often guided me toward the seedy part of a town under the surface. Lynch also encouraged me to discover a ton of surrealist films like Maya Deren, Man Ray, etc.
Your favorite character in the series ?
Erica : Bobby because I had a huge crush on him but wanted to be Audrey because she looked like Norma Jean.
Terence : Honestly the Log Lady, how she gave meaningful and meaningless clues, I loved the intros she did on the Bravo series, before that network turned to absolute garbage about rich housewives. Anyway that the FBI agent relied on her as a medium I always thought was a great turn of the detective genre.
A scene that particularly moved - or scared - you ?
Erica : Bob was terrifying. That iconic still of Laura Palmer wrapped in plastic and all blue was such a deeply sad image.
Terence : Moved me was more the atmospheric shots of nature or darkness, the city at night. That was kind of out of its time for a television show, and really haunting.
You recorded a track for our forthcoming Twin Peaks compilation, which will be part of our 7th volume dedicated to "pop" songs and currently in mastering. What aspect of the series inspired you ? Any anecdote about that ?
Erica : Terence really loves the song The Nightingale. I’m not normally one to do covers. It gets a bit like karaoke at times but I had some ideas for vocal layers and loops as soon as Terence proposed the idea. Nathan percussion put it over the top.
Terence : To be honest I more enjoy thinking of the covers, BUT, there’s something about those Julee Cruise tracks for Twin Peaks. It set a lot of the tone in the episodes with Angelo Badalamenti. We actually recorded it kind of separate and edited it together, it was interesting to see it come together.
You heard about some of the musicians involved in this project. Which one are you the most curious to hear the contribution from ?
Terence : Well my Locrian bandmate André Foisy gave a great track. But I am looking forward to Fabio Orsi, my pals Northumbria, Lawrence English, Kyle Bobby Dunn, Benoît Pioulard and Aidan Baker [editor’s note : Aidan Baker’s track is already part of our 1st volume here].
An album you often listen to when you need all your Garmonbozia ?
Terence : Khanate’s Capture and Release.
Your eponymous full-length just came out on Tuesday - same as the second volume of our compilation. It makes us think of Julee Cruise’s synth romantism as much as the great dream pop era of 4AD but sounds at the same time very modern with its quite lo-fi darkwave undertones and the almost post-rock intensity of the rhythm section. A few words about it ? What is going to happen next ? Go on tour maybe ?
Erica : We wrote the songs we wanted to write and it has been positively received, so far. I think we were able to use our influences as reference points while still creating something original and unique. We have a lot of great shows lined up this summer and fall in Chicago, Milwaukee, Baltimore, and New York. A tour would be amazing so we’ll see what happens.
Terence : I think that is a great assessment, thanks. We’re happy to get it out into the world, and definitely play some shows. Of course we have new material and can’t wait to record that too.
Have you started watching season 3 ? What do you think of it so far ?
Erica : We have watched every new episode faithfully. I am thoroughly confused. However, Michael Cera’s monologue was hilarious and I really hope we see him again in future episodes. The show is gorgeous and eerily quiet. I can’t wait to see how the puzzle pieces come together.
Terence : I think so far there’s so many threads its a tough show to follow, you have to be a fan I think, it’s hard to come in cold. That said, I really like how it is tightening up, and kind of making you have to work to get to it. Five episodes in it is starting to make sense. And you can’t fault any show for having Uniform and The Chromatics in the soundtrack.
Un grand merci à The Holy Circle. Leur reprise de The Nightingale paraîtra sur le 7e volet de notre compilation Twin Peaks cet été.
Interviews - 11.06.2017 par
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