Le streaming du jour #1611 : Loess - ’Pocosin’
Là où certains musiciens, particulièrement dans la sphère électronique, font le choix de l’opulence, Clay Emerson et Ian Pullman savent se faire désirer. Ainsi, Pocosin n’est que le troisième long-format de ce duo actif depuis 2002 avec un premier éponyme.
Cela faisait onze ans que Loess n’avait rien proposé de véritablement neuf. En 2009, il y avait bien eu la compilation de raretés Burrows puis la mixtape Isolatedmix 55 où des titres d’Aphex Twin, mùm, Arovane, Boards of Canada ou même Nick Drake étaient revisités avec brio, mais il fallait remonter à 2006 - déjà pour le compte de l’excellent label n5MD - pour trouver trace, avec Wind And Water, d’un authentique long-format.
Contrairement aux derniers Boards of Canada et Aphex Twin qui ont souffert de l’attente démesurée propre aux disques qui semblent devenir des arlésiennes, Pocosin prouve que les deux musiciens qui au début du siècle formaient avec Alfredo De Matteis le combo Codec Scovill ont encore des arguments à faire valoir.
En effet, en s’appuyant sur ce qu’ils ont déjà admirablement produit par le passé - mais qui ne leur a étrangement jamais permis de bénéficier d’un réel succès d’estime - les Américains continuent de dresser des odyssées à classer entre ambient, IDM et musique électro-acoustique.
Les passionnés de géologie sauront que le loess est une roche sédimentaire issue de l’érosion éolienne et peut apparaître sous les latitudes moyennes, comme c’est le cas au sud des Grands Lacs. Le duo basé dans le New Jersey s’inspire donc de ce qui l’entoure pour proposer un nouveau disque minéral.
Délibérément angoissant mais n’excluant jamais une once d’optimisme, Pocosin se veut méditatif. Un onirisme désabusé à base de circonvolutions planantes mais désespérées est perceptible sur Petrel et laisse la place à un Kype cristallin et arboricole. Pour sa part, les effets reverse de Striae lui donnent l’allure d’un mouvement funèbre épuré.
La seconde partie du disque se veut plus éthérée et atmosphérique. Aussi, des titres tels que 17P13.2 ou Alosa ressuscitent les synthétiseurs minimalistes de Boards of Canada dans une veine ambient très dépouillée, tandis que les pulsations glaciales étriquées d’un Wrikken ne sont guère éloignées du Amber d’Autechre sans pour autant porter les deux décennies qui nous séparent de cette sortie.
A la profusion, Clay Emerson et Ian Pullman préfèrent donc la discrétion. Ce n’est guère un hasard s’ils revendiquent "une approche minimaliste. Nos studios, équipements et techniques de production reflètent cette simplicité. De même, au niveau de la composition, si un élément n’apporte rien au morceau, alors il n’a pas sa place dessus".
Les craquements et retraits aussi soudains que leur apparition sont pourtant conséquents sur les multiples couches sonores. Ainsi, l’écoute au casque s’avère indispensable pour percevoir les dizaines de détails à peine décelables. Il est évident que le travail de longue haleine fourni par le duo porte ses fruits : Pocosin est aussi charmant qu’il n’est déroutant et parfois même apocalyptique. Inclassable, en somme.
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