Bilan (20)15 Step 2/3
L’allusion dans le titre à l’un de mes titres préférés de Radiohead est certes alambiquée, mais la démarche ne correspond-elle pas, finalement, au contenu de cette année jalonnée par l’horreur, l’incertitude et la puérilité des crêpages de chignon de ceux qui nous gouvernent ? Et sur le plan musical, alors ? Un bon cru, décliné en trois parties, avec au programme 25 LPs, 5 EPs et 5 singles.
Top 25 LPs
Afin d’éviter que la lecture ne soit trop lourde (rassurez-vous, elle le sera forcément), ce top 25 se déclinera en deux parties. Peu de révélations dans cette partie, finalement - il n’y en aura sans doute pas davantage dans la seconde, ce cru étant sans doute celui sur lequel je serai le plus consensuel depuis le début de la décennie - mais de bien beaux disques, avec des come back d’une qualité inespérée, des confirmations et quelques artistes que l’on découvre à un niveau d’élégance jusqu’alors insoupçonné.
25. Tenniscoats – Music Exists Disc 1
La combinaison de délicates cordes asiatiques et d’un timbre vocal cristallin suffisent pour convoquer le spectre de Björk, preuve d’une inspiration clairement au rendez-vous. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Markus Acher en a fait son album de l’année.
24. Marnitude – II
Onze ans se sont écoulés entre la sortie du premier LP de Marnitude et II. Entretemps, plus précisément en 2011, Jean-Rémy Papleux avait proposé un EP éponyme mêlant la grâce des derniers Talk Talk à la folk plus immédiate de Bill Callahan. Sur II, le Français poursuit dans cette même veine en maintenant un niveau d’inspiration constant. Base downtempo, aphorismes susurrés et accords spectraux, la recette est simple, mais si bien rodée que l’envoûtement est assuré.
23. Jim O’Rourke – Simple Songs
Simple Songs est un disque paradoxal en ce sens qu’il est sans doute la plus abordable des nombreuses sorties auxquelles a pris part Jim O’Rourke depuis quinze ans et, pour autant, il convient d’y revenir à plusieurs reprises pour être totalement conquis. En somme, même lorsqu’il s’affranchit de son goût pour l’expérimentation et délivre des titres très abordables aux sublimes arrangements de cordes, l’ancien membre de Sonic Youth garde cette part de mystère qui nous fascine tant.
22. Det90 – 452090
Entre IDM, abstract et acid house, le Luxembourgeois Michaël Galetto expérimente avec brio une quantité folle de nuances électroniques, lui permettant ainsi d’atteindre une profondeur de ton, entre onirisme et oppression, insoupçonnable à la seule lueur de ses premières parutions discographiques.
21. Richard Hawley – Hollow Meadows
Que reste-t-il à prouver, pour un ancien membre de Pulp ayant accouché en solitaire d’un chef-d’œuvre tel que Coles Corner ? Pas grand-chose, assurément, et c’est sans doute la raison pour laquelle Richard Hawley a décidé, sur Hollow Meadows, de dérouler un fil qu’il maîtrise à merveille. Entre folk psychédélique et ballades sur lesquelles sa voix de crooner a tôt fait de charmer l’auditeur, le Britannique fait bien plus que le métier, sans pour autant se mettre particulièrement en danger.
20. Ben Lee – A Mixtape From Ben Lee
Précoce, Ben Lee n’a jamais véritablement confirmé les espoirs de Grandpaw Would, un premier disque sorti à l’âge de seize ans seulement. S’il a publié cette année l’opus Love Is The Great Rebellion, c’est surtout A Mixtape From Ben Lee qui lui permet de raviver la flamme. Il faut dire que le Sydnéen s’est donné les moyens de réussir en prenant son temps – le projet était dans les cartons depuis une paire d’années – et en invitant d’illustres collaborateurs (Mark Oliver Everett, Ben Folds ou Nina Persson) sans pour autant altérer la cohérence d’un ensemble dont les fonds sont reversés à la communauté Q’ero, dernière civilisation inca vivante.
19. Undogmatic – The Philosophy of Nature
Après la sortie de l’EP Je Suis Charlie en début d’année, João Pedro Martins a publié deux disques, parmi lesquels le sommet The Philosophy of Nature. Jamais le Portugais ne s’était laissé autant de temps pour préparer un album, et cet investissement se ressent clairement à l’écoute. L’habileté de l’artiste à produire des nappes d’abstract mélancolique n’est pas nouvelle, mais la profondeur du son lui permet d’atteindre le niveau d’efficacité d’un Man Mantis, ce qui ne constitue pas le moindre des éloges.
18. Robert Forster – Songs To Play
L’ancien membre des Go-Betweens, après un hiatus de sept ans, n’est pas revenu (seulement) pour récolter quelques deniers. L’Australien cherche avant tout à se faire plaisir, et si la pop qu’il décline peut parfois s’accompagner d’un ton légèrement plus grave, l’ensemble fait la part belle à une décontraction contagieuse. Malgré un léger appel d’air en milieu d’album, Songs To Play constitue une formidable réussite, que l’on doit également aux incursions au violon de Karin Baumler, aka Madame Forster.
17. Water Music – Ships
Et dire que le plus fidèle successeur de Mark Linkous ne connaissait pas Sparklehorse il y a encore quelques mois. C’est à peine croyable tant le Melbournais parvient, comme son illustre aîné, à faire émerger une montagne d’émotions à partir d’un matériel finalement restreint. Ships est un album de deuil, que MJ Barker a enregistré en quelques jours suite au suicide de sa sœur. L’urgence est perceptible, l’abattement l’est également ici et là, mais il ne s’agit pas d’un album entièrement noir, certaines mélodies comme celle de Fool en attestant.
16. Björk – Vulnicura
Si en cette année 2015, Björk se sera illustrée en annulant de manière peu cavalière une partie de sa tournée – notamment la date à La Route du Rock où j’aurais dû la voir pour la première fois – elle a également su se montrer à la hauteur en publiant un Vulnicura que je préfère à ses deux prédécesseurs. Sans renouer avec la grâce d‘Homogenic, l’Islandaise revient à une certaine forme de simplicité – évidemment toute relative – qui lui permet de trouver l’alchimie adaptée entre un format pop et ses expérimentations déraisonnables. Avec, en prime, des moments de grâce, tel ce Lion Song.
15. Thousand – s/t
Sur ce deuxième opus, Stéphane Milochevitch déploie une pop ambitieuse aux structures organiques. A l’aise quand il s’agit de composer une mélodie imparable à la façon de Smog ou Syd Matters, Thousand convainc également lorsqu’il intègre une forme de folie au grain hivernal, celle-ci permettant d’éviter habilement tout ronronnement de la machinerie. Le Parisien s’affranchit de toute limite et laisse libre cours à une inventivité rare.
14. Shizuka – Isolated
Pour la troisième année consécutive, Anthony DoKhac se permet de repousser les limites d’une IDM aussi aventureuse que ténébreuse. Pour autant, si Isolated ne fait pas partie des ces albums qui s’invitent fréquemment sur le tourne-disques, son écoute constitue l’une des expériences les plus engageantes. Ainsi, entre désarroi et extase, l’auditeur voit ses sens mis en exergue comme rarement. La profondeur des textures sonores assure une immersion totale dans cet univers plutonique.
13. Zelienople – Show Us The Fire
Sans doute l’un des disques les plus libres – et libertaires – de l’année. En découvrant la pochette de la seizième galette du collectif chicagoan, on se permettra de douter de la pertinence de la démarche. La réticence laissera néanmoins rapidement place à l’excitation. Post-rock, slowcore, free-jazz ou ambient, tout est ici passé à la moulinette, et les spectres de Talk Talk, GY !BE ou même Sonic Youth se mêlent et se chassent avec un improbable naturel.
12. Bruno Bavota – Mediterraneo
Seulement un an après The Secret of The Sea, le pianiste italien est de retour avec un nouveau disque faisant la part belle au monde aquatique. Désormais signé chez Dronarivm, Bruno Bavota n’a entamé aucune mutation, mais ses ritournelles instaurent une ambiance onirique et cinématographique, propice à l’évasion. Parfois comparé à Ludovico Einaudi, le Napolitain franchit un nouveau cap sur cet opus dont la maîtrise croissante ne se substitue jamais à l’émotion.
11. Jay-Jay Johanson – Opium
Depuis Poison ou Whiskey, nombreux sont, sans doute, ceux qui ont cessé de suivre l’actualité de Jay-Jay Johanson. A tort, probablement, puisque le Suédois continue d’ajouter de manière régulière des chapitres toujours aussi intéressants à sa discographie. Opium ne fait pas exception à la règle, et aurait même tendance à être l’un des crus les plus passionnants de l’œuvre du Scandinave. Sur le fil en permanence, l’artiste s’amuse avec les sens de l’auditeur en multipliant les contre-pieds. L’explosion tant attendue n’intervient pas – ou alors de manière ténue – tandis que l’arrivée suspectée d’un passage plus calme n’est souvent qu’un leurre. Entre trip-hop et nu-jazz, le timbre vocal et le spleen de Jay-Jay Johanson font toujours des ravages.
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