Comité d’écoute IRM - session #14 spéciale Morr Music/ANOST : Óbó, Orcas, Alien Ensemble, Andrea Belfi, Charlatan, Gabriel Saloman...
Après Thrill Jockey, au tour de Morr Music d’avoir les faveurs de ce comité aux allures de session de rattrapage.
Si 2014 ne fut pas un cru d’exception pour l’écurie allemande dans son acceptation de label à proprement parler (ce qui ne nous empêche pas d’avoir plébiscité le très chouette album de Fenster dans un précédent comité), il n’en est assurément pas de même pour la partie distribution d’une structure qui, après avoir familiarisé le public indé à l’électronica par le biais de formations telles que múm, Lali Puna, ISAN, Opiate, Styrofoam, Phonem ou encore B. Fleischmann, possède aujourd’hui dans son giron de distributeur quelques-uns des labels les plus passionnants de ces sphères expérimentales que l’on défend à IRM (de Denovali à Raster-Noton en passant par Editions Mego, Sub Rosa, Hibernate, Type ou justement par Thrill Jockey), en plus de servir de mail order via la plateforme A Number Of Small Things (ANOST) à des crèmeries aussi bien installées que Warp, Ninja Tune, 4AD, Kranky, Mute, Ghostly International et tant d’autres (la liste est longue).
Notre sélection en deux parties s’intéressera ainsi au sorties de labels tels que Miasmah, Sonic Pieces, Shelter Press, Umor Rex ou Alien Transistor, associés de près à la section distro de Morr, en plus de revenir sur quatre albums directement édités par ces derniers. Un bon aperçu de la richesse d’un catalogue désormais ouvert aux quatre vents !
Morr Music - le label
Rabbit : Joliment brumeux avec Thomas Meluch (aka Benoît Pioulard) au chant, anecdotique lorsque ce dernier passe la main à Anja T. Lahrmann - dont la voix évoque celle de Tarsier en moins acrobatique et du coup presque passe-partout -, élégant mais un peu trop soft pour vraiment captiver en mode instrumental, ce retour de Future 3 après 12 ans de silence ne convainc qu’à moitié.
Il faut dire que l’on attend forcément mieux de Thomas Knak, architecte du séminal Opiate et homme de l’ombre du Vespertine de Björk, surtout lorsque l’on sait qu’associé aux mêmes Anders Remmer (Dub Tractor) et Jesper Skaaning (Acustic), le Danois ressuscita System en 2010 avec nettement plus de brio. Entre l’ambient électronique de leurs sorties des années 90 et l’approche plus pop de l’unique album de People Press Play lâché en 2007 toujours par le même trio aux incarnations décidément multiples, on va dire que la valse-hésitation est un peu trop frileuse pour marquer les esprits, ce qui n’empêchera pas de passer un bon moment en compagnie de ce Without You à condition de laisser de côté l’impressionnant background des ex têtes chercheuses scandinaves.
Elnorton : Moins convenu que je ne l’aurais pensé au regard de la déception qu’a engendré cet opus chez certains habitués. De bonnes idées ici, de nombreux titres intrigants voire entraînants, mais on risque de sombrer dans un état léthargique à un moment donné au regard de l’absence de relance en cours de disque. With And Without semble joué sur un tempo unique et c’est ce qui nuit assez rapidement à son intérêt.
Elnorton : Quatre ans après le charmant Everybody Knows It’s Gonna Happen Only Not Tonight, dire que The Go Find m’avait manqué serait mentir. Pour autant, j’ai accueilli ce Brand New Love avec un mélange de curiosité et d’excitation. Bon signe, donc. Un espoir qui ne sera pas déçu puisque j’y trouverai les ritournelles électro-pop que j’attendais des Belges articulés autour du chanteur et multi-instrumentiste Dieter Sermeus. Un album agréable et réjouissant, donc, avec des moments particulièrement réussis (Jungle Heart ou We Run) malgré un léger creux ressenti aux deux tiers du disque.
Norman Bates : Une synthpop de qualité, qui s’écoute sans déplaisir. L’ensemble est soigné, bien produit ; The Go Find a écouté les bons disques. Mais tout le monde a écouté les bons disques, et si ce disque inessentiel n’ennuie pas, il est tout de même un peu vain. Le charme mélancolique opère par moments, mais je n’ai pu me détacher de la sensation d’écouter un disque qui répétait ce qui se faisait en 1981, la distance critique en moins (ces paroles !), le son contemporain en plus. Par ailleurs, ce disque bien troussé manque un peu de personnalité.
Rabbit : The Go Find c’est un peu le listener’s digest du son Morr Music, la poptronica éthérée et minimaliste de Ms. John Soda ou Lali Puna infusée d’un romantisme synthpop hédoniste osant parfois comme sur Japan ce genre de cuivres typiquement 80s que seul Destroyer peut se permettre de ressortir des tiroirs sans sonner terriblement daté. Il y a pourtant de belles chansons sur Brand New Love, à commencer par We Promised Together, le vaporeux Summer Boys ou le plus immédiat The Message pas loin d’un Nada Surf, et comme à l’accoutumée un lyrisme suffisamment doux et mélancolique pour se départir de l’ostentation inhérente au genre. Mais en effet le projet du Belge Dieter Sermeus pêche plus que jamais par son manque de personnalité en plein retour de flamme des années 80, et en dépit du plaisir que j’ai pu ressentir à l’écoute de ce disque, il y a fort à parier que cette quatrième sortie passera difficilement l’année.
Elnorton : Je n’attendais pas grand chose de ce premier opus d’Ólafur Björn Ólafsson, collaborateur de Sigur Rós et Jónsi, mais également de múm, Emiliana Torrini ou Valgeir Sigur∂sson. Certains curriculum vitae valent mieux que de longs discours. L’artiste est doué, et l’on pensera effectivement, de manière ponctuelle et dans l’orchestration, à Sigur Rós sur des titres tels que Svartur Galdur. Vocalement, l’Islandais se sait plus limité, et, tel son compatriote Borko, il emploie celle-ci a minima, pas tant dans la quantité d’utilisation que dans l’absence d’envolées. Cette voix ne quitte pas son petit confort et elle nous amène logiquement avec elle dans un petit cocon agréable et douillet. Suffisamment riches et variées, les instrumentations permettent heureusement d’éviter la monotonie ambiante qui n’est jamais très loin de s’installer. Un régal pour quiconque trouvera les conditions d’écoute optimales et adaptées. Gageons que l’entrée dans l’hiver, au coin du feu, pourrait être l’une de celles-ci.
Rabbit : Énième multi-instrumentiste effacé dans l’ombre de Sigur Rós donc (et de son leader Jónsi dont il tient également les claviers et percus en concert) et des autres géants précédemment cités par Elnorton auxquels on pourrait ajouter Jóhann Jóhannsson et plus humblement Benni Hemm Hemm, Ólafur Björn Ólafsson tire aisément son épingle du jeu avec ces odes folk finement orchestrées au spleen des banlieues isolées, évoluant sur ce très beau premier album d’un fatalisme maussade à la ferveur carillonnante de celui qui voit enfin percer la lumière au bout du tunnel.
Avec son chant introverti mêlant rudesse insulaire et douceur dans une scansion presque parlée qui laisse échapper quand on s’y attendait le moins un ou deux accents chaleureux (Gjallarhornin, dont l’entame presque éteinte se mue en crescendo chamber pop enchanteur), Óbó parvient à renouveler notre étonnement des sonorités de cette langue islandaise décidément bien singulière, mais s’avère tout aussi doué pour les cavalcades cristallines frappées et pianotées avec délicatesse, à la croisée des élans minimalistes de Steve Reich et d’un lyrisme évocateur de son expérience de compositeur pour le cinéma (Stilla, Fyrirbo∂i et leur dérivé pop Rétt e∂a rangt ?).
Elnorton : En minorité dans l’équipe, je défendrai avec conviction ce Yearling. Peut-être ce disque constitue-t-il une déception pour quiconque a exploré les discographies respectives de Benoît Pioulard et Rafael Anton Irisarri ? Trop riches et pléthoriques pour que je ne leur accorde autre chose qu’un bref survol, ce n’est pas mon cas. A l’écoute de Yearling, je crois volontiers que chacun des membres du duo est un génie et, plutôt que de m’échiner à classer ce disque dans leur œuvre, je préférerai en savourer l’alternance entre ambiances faussement candides et éthérées (Infinite Stillness) et celles plus sérieuses et lugubres (Filament). Un disque jouant sur les émotions opposées donc, dont le dénominateur commun reste la maîtrise du duo à concocter les paysages sonores qui parviendront à faire apparaître au grand jour nos sentiments, et ce quels qu’ils soient.
Rabbit : Sans aller jusqu’à parler de génies ces deux grands de l’ambient d’aujourd’hui ont effectivement sorti des disques fabuleux, perfusés au shoegaze (sous le pseudo The Sight Below avec Simon Scott de Slowdive aux fûts) et au classique contemporain pour Rafael Anton Irisarri, ou à la folk lo-fi pour Benoît Pioulard. Charmant sans être renversant, leur premier opus alternait chansons délicates pour drones vaporeux + guitare ou piano (dont un bel hommage à Trish Keenan alors récemment disparue, via une reprise d’Until Then peu à peu engloutie par une vague de bruit blanc) et passages au chant plus en retrait voire totalement absent.
Tout ça pour dire qu’on imaginait du mieux pour cette suite, espérant qu’elle évoluerait vers les hautes sphères auxquelles nous habituent les deux Américains en solo. Malheureusement, pas assez accrocheur pour le public indé, trop peu aventureux pour les férus d’ambient, Yearling fait tout l’inverse en se vautrant dans une pop atmosphérique mâtinée de nappes synthétiques au cachet vintage caricatural, dont les chansons peu inspirées souffrent d’une production nettement moins contrastée et d’un encéphalogramme rythmique désespérément plat. Un beau gâchis de talents.
Morr Distro - le distributeur
Rabbit : Entouré d’une demi-douzaine d’instrumentistes de l’Andromeda Mega Express Orchestra révélés par leurs performances live au côté de son groupe The Notwist et coutumiers d’une approche baroque, abstraite voire carrément post-moderne et psyché du jazz de big band et de la musique de chambre contemporaine, on attendait de la part de Micha Acher quelque chose de moins classiquement jazz. Qu’importe toutefois si ce premier album éponyme n’a rien de l’ovni qu’annonçait sa pochette, l’Allemand n’a plus rien à prouver et surtout pas sa capacité à tirer le meilleur de cette influence jazz en mode électronique (The Notwist), pop (Ms. John Soda), dub (Tied & Tickled Trio) ou encore hip-hop (13&God), c’est donc un plaisir de l’entendre se faire plaisir à alterner méditations cuivrées, grooves chaleureux, ballades rétro carillonnantes et virées free aux percus chamaniques, parfois même au sein d’un même titre comme le très bon Alien Circle.
Norman Bates : C’est un disque intéressant. Comment faire du jazz européen en 2014 ? Le temps d’un titre, le premier et superbe (au moins en sa première moitié) Alien Circle, Alien Ensemble répond avec brio : cette pièce ultraréférentielle qui tire sur le jazz mystique à la Pharoah Sanders, avec toutefois un clin d’oeil vers le rare groove, utilise avec justesse l’héritage fusion seventies (cette flûte !) et fait le lien avec la kosmische allemande, dans une composition aux accents parfois même pop.
Passé ce très beau moment, et même si le disque poursuit dans une veine agréable, entre film noir, motorik et une Prayer mystique qui résonne comme un hommage au Coltrane tardif, il manque tout de même au disque dans son ensemble un peu de folie, un peu de caractère, pour en faire autre chose qu’un très joli exercice post-ECM.
Mais il y a Alien Circle.
Elnorton : Si les compositions à l’influence jazz évidente empruntent à d’autres courants et tolèrent des constructions suffisamment biscornues pour que l’on puisse parfois penser à John Zorn, il faut reconnaître qu’Alien Ensemble ne serait, dans ce registre, que le Zorn du pauvre. Ce qui constitue néanmoins un gage de qualité suffisant pour que l’on pose une oreille sur cet opus. Et qu’on l’apprécie.
Elnorton : Clairement, la nature est ici morte. Nous parcourons sur le dos d’un drone des territoires en friche, dévastés par la bêtise de l’action humaine. Monotone en apparence, cette condition procure pourtant une richesse incroyable pour quiconque étant un minimum passionné par la cause archéologique et la complexité qu’elle engendre. Sur Natura Morta, l’essentiel du propos n’est pas ce qu’Andrea Belfi propose, mais plutôt ce que l’italien parvient à suggérer habilement à l’aide de rythmiques tempérées. Brillant.
Rabbit : Rompu au foisonnements électroniques d’une ambient capiteuse mêlant élans mystiques et errements plus abstraits (cf. le captivant Wege en 2012 chez Room40), Andrea Belfi se recentre ici sur son instrument de prédilection, la batterie, qu’il tient pour les fabuleux B/B/S/ ou son autre trio tout aussi inspiré avec David Grubbs de feu Gastr Del Sol et Stefano Pilia. Troisième réussite de l’année pour l’Italien, Natura Morta aborde le terrain plus minimaliste d’un no man’s land de pulsations, larsens et autres bourdonnements désincarnés que les roulements tantôt feutrés ou presque épileptiques des fûts tentent de réanimer en seconde partie de disque, en un crescendo intense et magnétique dont les mouvements imbriqués vous prennent pour ne plus vous lâcher. Grand !
Norman Bates : Je suis moins enthousiaste. Le temps de trois titres, les trois premiers, Belfi arrive à impulser à son ambient somme toute assez orthodoxe une variété bienvenue, la présence notamment d’une batterie donnant une assise salutaire à Oggetti Creano Forme par exemple. Et puis après, je ne sais plus. Le paradoxe, c’est qu’en tant qu’ambient music au sens Eno du terme, cet album fonctionne : je me suis à peine aperçu qu’il finissait dans mon salon. Une écoute au casque révèle des subtilités qu’il me sera, à dire le vrai, rarement donné d’apprécier à leur juste valeur. C’est le problème avec l’ambient : on voudrait savoir pourquoi on aime ce disque-ci et pas celui-là, et puis on ne sait pas. On voudrait les différencier, et parfois c’est bien compliqué. Celui-ci m’a laissé un peu indifférent.
Rabbit : A mi-chemin des turbulences angoissées d’une kosmische musik fantasmagorique et des tréfonds grouillants du marais dub-ambient le plus glauque, Brad Rose livre sa vision du thriller d’espionnage sci-fi, résolument lovecraftienne. Zébré de vapeurs abrasives et de glitchs vintage dissonants, sous-tendu de beats technoïdes aux pulsations organiques décousues, Local Agent ne conviendra sûrement pas à toutes les sensibilités - pas plus que les masses de drones post-indus en fusion du projet parallèle The North Sea dont l’Américain imaginait il y a deux ans chez Field Hymns la rencontre avec Charlatan - mais devrait figurer pour nombre d’amateurs de cauchemars éveillés parmi les tout meilleurs de l’année. Ardu, déstructuré et pourtant capable de moments de grâce inattendus irradiant sous leurs distos stridentes d’une quiétude salvatrice (Lonely City), mon disque favori de cette sélection.
Elnorton : Je suis bien ennuyé au moment de qualifier les sons concoctés par Charlatan. Je vais parler, faute de mieux, de drone expérimental tirant sur une lo-fi spatiale. Rien que ça. Local Agent est un album dense et exigeant. Trop sans doute pour que j’y éprouve un plaisir qui s’étire sur une séquence de plus de quinze secondes. Je dois néanmoins reconnaître que c’est bien fichu.
Norman Bates : Il y a à mon sens deux albums au-dessus du lot dans cette sélection, en voici un. Petit miracle d’électronique industrielle presque post-dubstep, bourbeuse et parfois sauvage (The Cure), Secret Agent est un album-monde, le monde d’après le déluge, quand les ordinateurs noyés seront les premiers à se réveiller de la catastrophe. Rétrofuturiste jusqu’au bout de ses beeps vintage, ce disque très inventif, parfaitement de son époque, réussit l’exploit d’être à la fois étouffant et ludique. A l’heure où d’autres travaillent l’inquiétude policée de l’époque, Charlatan met les mains dans le ventre de la machine. Ce qu’on y trouve est assez sale, c’est ce qui est beau.
Rabbit : Laissée pour mineure par une écoute distraite, cette suite directe de l’EP Harmony From The Past se révèle au gré des plongées en apnée dans l’ambient feutrée des deux Norvégiens. Une face Otto A. Totland toute en poussières sonores, échos de bruits ambiants et accords de piano en suspens captés à Berlin il y a deux ans, une face Erik K Skodvin dont les vapeurs d’orchestrations englouties par le temps et les vagues de drones clairs-obscurs furent saisies quatre années plus tôt dans la froideur d’Oslo, et bien sûr chacun met la main à la patte sur ces deux titres-fleuves qui rivalisent de spleen intangible et de vertige devant l’appel du vide, mettant à profit les imperfections de l’enregistrement pour donner d’autant plus de profondeur à ces méditations sur le souvenir et l’oubli. Superbe.
Elnorton : Une deuxième écoute m’a également été nécessaire pour apprécier ce Recount à sa juste mesure. La première face nous fait voyager au ralenti vers une nature inconnue. L’utilisation avec parcimonie d’un piano dont le spectre est néanmoins omniprésent ravira les amateurs de Library Tapes. Sur Oblivion, le second titre, il y a en effet quelque chose de lié à l’oubli. Les drones prennent de la hauteur par rapport au premier morceau. Le ton y est plus lourd et sérieux. C’est un aller sans retour que l’on prend, les nappes ambiantes nous promenant vers des contrées où toute marche arrière sera impossible. On s’y enfonce pourtant volontiers.
Norman Bates : Non. La première moitié est la plus intéressante, mais les velléités néoclassiques du piano me semblent aller à l’encontre de l’aspect "hantologique", pour reprendre Simon Reynolds, qui me paraissait l’élément le plus intéressant du morceau. Ce piano m’ennuie, on dirait du Wim Mertens au ralenti, pas ma came. La deuxième moitié est meilleure, mais elle est très peu originale. Vous pourriez me la passer vingt fois que je ne saurais encore pas de qui est cette pièce. De bonnes idées dans la première partie, mais la réalisation ne m’intéresse pas ; pas d’idée dans la deuxième mais c’est bien fait ; au final pas grand-chose pour moi là-dedans.
Rabbit : Malgré leur pouvoir d’envoûtement et les méandres texturés d’une production finement contrastée, on ne peut s’empêcher de regretter que ces rêveries fassent fi du potentiel sismique du Montréalais Eric Quach et de la New-Yorkaise Sarah Lipstate (dont le prochain opus prévu pour janvier chez Fire Records s’annonce tout aussi méditatif).
A l’instar de la collaboration onirique de cette dernière avec Aidan Baker il y a quelques années où chacun des deux musiciens tenait sa face de vinyle avec une belle cohérence de ton, le duel de guitares espéré prend la dimension d’une étreinte langoureuse sous un ciel d’orage, déclinée sur quatre longues pièces éthérées aux flottements harmoniques forcément propices à l’abandon des sens. Pour autant, l’album ne les anesthésie jamais vraiment grâce à l’incursion d’un arpeggiator cristallin (Reverie I) ou de discordances frottées à l’archet (Reverie IV), représentatives des sombres élans sous-jacents d’un album nettement moins paisible qu’il n’en a l’air de prime abord.
Elnorton : Foncièrement, Reveries est un disque qui tient la route. Il n’en reste pas moins que je ne parviens pas à me départir d’un certain goût d’inachevé à l’issue de son écoute. Peut-être est-ce parce que je n’ai l’impression que l’album décolle vraiment qu’à partir de la quatrième et dernière piste, plus tourmentée, majestueuse et tout simplement inspirée que les précédentes qui, à défaut d’être transcendantes, restent néanmoins largement acceptables.
Rabbit : Nouveau manifeste de désolation de la part de l’ex Yellow Swans, cette digne de suite de Soldier’s Requiem orchestre le retour à la vie après avoir marché vers le crépuscule au son des tambours du destin (Part 1). Entretemps, Gabriel Saloman a néanmoins collaboré avec Peter Broderick et ça s’entend, la seconde partie de The Disciplined Body faisant ouvertement écho à la progression éthérée de drones élégiaques de plus en plus denses et saturés du monumental Bigger Time, avec en toile de fond, émergeant des lointaines nappes de trémolos, un fil de pulsations cardiaques qui parfois loupent un battement ou s’arrêtent même quelques instants, comme subjuguées par cette renaissance des émotions qui vibrent soudainement sous le séisme de bruit blanc. Un chef-d’œuvre à combustion lente.
Elnorton : The Disciplined Body, Part 1, premier des deux morceaux du disque, me laisse d’abord sur ma faim, avant de décoller à l’amorce de son dernier tiers. Ce relatif ennui initial est en fait nécessaire pour apprécier la montée en puissance qui, après un bref répit, reprend de plus belle sur un second titre rendu oppressant par une rythmique cardiaque. Peut-être un peu long, là encore, pour me passionner de bout en bout, mais c’est aussi une nécessité liée au concept que de laisser le temps aux nappes sonores de se mettre en place et de résonner pour qu’en émane finalement tout l’intérêt.
Norman Bates : Rapidement, pour confirmer l’impression des camarades : ce disque est une réussite totale. Un premier titre qui aurait mérité de s’appeler thisquietarmy, sorte de mélange très intrigant de fatalisme et de marche martiale entendue de loin. Un deuxième splendide, au lyrisme accablé, dont les pulsations renforcent le caractère inexorable à mesure que l’on s’approche du finale saisissant et, comment le dire ? Calmement brutal ? L’ambient, c’est le rythme et la guerre, ce type a tout compris. Top 5 de l’année.
The Go Find sur IRM - Site Officiel - Myspace
Noveller sur IRM - Myspace - Site Officiel - Bandcamp
thisquietarmy sur IRM - Bandcamp - Site Officiel
Deaf Center sur IRM
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Future 3 sur IRM
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