Le streaming du jour #1145 : Yellow King - ’s/t EP’
Après 14:13, Culture Reject
ou encore Twin Pricks, voici venu le nouveau bébé de Specific Recordings, le bien nommé Yellow King. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il perpétue le credo de la maison messine : toujours ce goût prononcé pour l’authenticité. De la musique construite par des amoureux de musique qui n’ont pas leur pareil pour vous rendre amoureux de la leur.
Yellow King, mais qu’est-ce donc ? Un personnage échappé de la mystique de Cthulhu chère à Lovecraft, ou peut-être le recueil de nouvelles du même nom imaginé par Robert W. Chambers, à moins qu’il ne s’agisse d’un clin d’œil à la série True Detective, elle-même truffée d’emprunts et de réminiscences ? Yellow King, c’est tout cela mais c’est aussi un groupe messin tout neuf constitué de quelques Dead For A Minute, Hyacinth, Twin Pricks, My Lovely Underground, CRCV ou encore Poincaré. Tout neuf peut-être mais réunissant des gens ayant roulé leur bosse dans des formations aux pedigrees variés (pêle-mêle, hardcore, shoegaze, indie-rock classieux ou carrément psyché, électro et pop, le tout ayant pour point commun une ville, Metz). Et cela s’entend. En premier lieu parce qu’on ne peut qu’être soufflé par la maîtrise à l’oeuvre derrière ces trois morceaux alors qu’il s’agit, ne l’oublions pas, d’un galop d’essai. Tout ce petit monde s’électrise, joue, chante, racle ou fait du bruit à l’unisson avec un plaisir évident. Plaisir qui transpire par tous les pores du cuir de ce Roi couleur poussin et se montre à tel point communicatif que très vite, on en prend beaucoup à entendre le leur. Ensuite, ces trois morceaux empruntent aux divers horizons des musiciens qui en sont à l’origine : on entend de tout dans Yellow King, à tel point que l’on ne finit par n’entendre que lui. L’amalgame pouvait se révéler un brin indigeste et sans personnalité, il n’en est rien : c’est indie et rock à la fois, c’est aussi un brin post-ce que vous voulez, parfois très cold, à d’autres moments bien perché, voire carrément heavy tout en ayant un sens de la ritournelle pop assez imparable. Un échantillonnage qui retombe en permanence sur ses pieds, dépassant la somme des réminiscences assumées qu’il porte en lui (sans compter les autres, inconscientes) pour atteindre une belle authenticité, le parfait point d’équilibre entre ce que vise Yellow King et ce qu’il est. Personnellement, j’entends du Hendrix dans l’introduction de My Heart Is A Bottomless Pit et sans doute cela vous évoquera-t-il complètement autre chose mais peu importe puisque vous entendrez surtout Yellow King, une chouette machine à groover, ferreuse et sensible, balançant son farfisa sous influences contre trois guitares qui refusent de choisir entre la plume et le plomb et menée par la voix d’un Twin Pricks grimé en oiseau de nuit qui aime cacher sa face sous les traits d’un pourvoyeur de disques le jour.
La durée des titres annonce ce qu’ils sont : Dim Figures, le premier, atteint presque les six minutes et c’est un truc assez pop à la base bien vite rejoint par des guitares fuselées estampillées garage sur le refrain avant que tout cela ne mute en apothéose sauvage et noisy puis se taise pour explorer les contours incertains d’un psychédélisme patraque. Le second, The Calling, est le plus long et reprend les choses là où Dim Figures les avait laissées : dans l’éther. Dix minutes psychotropes qui ne sont pas sans rappeler 14:13, en plus solaire toutefois. Les guitares se disputent la hauteur du spectre, toi en bas, moi en haut, la basse et les claviers tapissent ce qu’il reste et la batterie fournit une ossature tranquille sur laquelle tout ce petit monde s’active, s’enroule, se sépare et s’arc-boute. Enfin, les neuf minutes de My Heart Is A Bottomless Pit constitue l’amalgame des deux précédents : farfisa et fuzz en avant, psychédélique et pop à la fois, tranquille mais aussi massif, il permet de mettre en exergue ce que l’on a jusqu’ici que trop peu évoqué : le blues singulier qui habite Yellow King. C’est que tout cela se révèle au final sacrément mélancolique, voire assez triste si l’on se réfère à la tessiture de la voix. Et comme ça ferraille en-dessous, on est en permanence balancé entre élans solaires et descentes fatiguées. C’est à la fois languide et structuré, solide et malléable, régulier et anomique, ordonné et désordonné, homogène et diversifié. D’autant plus que ces trois titres se retrouvent couchés sur une belle galette - jaune, c’est un concept - monoface dont l’autre est gravée au laser, un bel objet (tiré à trois cents exemplaires qui tendent à s’épuiser) autant qu’un bel EP. Bref, on tient-là quelque chose de très séduisant - un peu le lot quotidien chez Specific Recordings - qui fait attendre impatiemment la suite. Il se murmure d’ailleurs que celle-ci devrait voir le jour l’année prochaine et prendra la forme d’un long format. Jaune poussin probablement, très attachant sûrement et brillant, évidemment.
Pour l’instant, on savoure et on écoute plus que de raison.
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