Le streaming du jour #1094 : John E Cab - ’Do What They Say’
Rappeur, producteur et instrumentiste accompli (notamment au violon) qui côtoie au sein du collectif philadelphien US Natives l’excellent Ill Clinton - ici en charge de l’artwork, esquisse au fusain d’un bébé emprisonné derrière une vitre et appelant à l’aide -, John E Cab vole enfin de ses propres ailes avec cet album ambitieux et douloureusement personnel, véritable tour de force musical dont l’inspiration sans limite ne pouvait trouver chaussure à son pied que du côté du label I Had An Accident.
Sensibilité jazz et cuivres ambient, synthés analogiques et guitares rock vintage, sérénades latines et cordes torturées, samples cinématographiques et autres chœurs opératiques s’entremêlent sur fond de beats abstract aux subtiles arythmies dignes du Shadow de la grande époque, de syncopations dub ou même d’incursions drum’n’bass (l’épique New Shoes Never Last et ses boucles de piano néo-classiques résistant tant bien que mal aux assauts des drums et des saturations), au sein de compos insaisissables et denses qui multiplient les contrepieds avec une paradoxale fluidité et dont la production surprenante de clarté permet de saisir chaque nuance, chaque chemin de traverse à mesure que les tiroirs s’ouvrent sur d’autres tiroirs, creusant progressivement la psyché tourmentée de ce musicien désormais basé à Austin, Texas.
John E Cab aura mis 7 années à se livrer ainsi, à mettre en son les petites joies et surtout les grandes douleurs qui parsèment son parcours d’artiste et sa trajectoire d’être humain, à faire le deuil de son frère décédé en couchant sur sillons les émotions contradictoires et les sautes d’humeur, parfois avec l’aide de mots, parfois dans un maelström de sentiments changeants auxquels seule la musique pouvait rendre justice. Ainsi, bien que le flow résolument alt-rap de l’intéressé finisse par s’imposer sur les morceaux les plus faussement décontractés du disque, de l’anxieux The Night Shift au spleenétique Do What They Say en passant par le désespéré As Separate Worlds Collide dont le titre pourrait faire figure de manifeste pour ces télescopages musicaux à nul autre pareil, l’aventure est ailleurs et il nous faudra bien quelques dizaines d’écoutes pour explorer toutes les facettes de ce chef-d’œuvre étonnamment facile d’accès au regard du foisonnement d’idées dont il fait preuve.
A noter qu’il reste une toute dernière copie cassette chez IHAA et quelques autres ici via le Bandcamp de John E Cab, ne passez pas à côté pour 6 malheureux dollars plus les frais de port, vous nous remercierez plus tard.
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