Top albums - avril 2014
Survolé par un Damon Albarn en état de grâce dont l’album parvient pour la première fois cette année à concilier tous les publics, ce nouveau bilan mensuel n’a pourtant rien de bien consensuel. De la même manière que le downtempo Everyday Robots semble étrangement propice à l’assoupissement de plus d’un de nos confrères, Eels enchantera les uns et ennuiera les autres avec l’album le plus introspectif et intimiste de sa carrière, Mac DeMarco passera pour un talentueux héritier de l’indie lo-fi de la grande époque ou pour un énième aimant à hipsters, Blueprint peinera à enflammer ceux qui l’avaient enterré un peu vite et les albums plus expérimentaux de notre sélection auront comme à l’accoutumée leur lot de réfractaires attachés à cette notion de confort d’écoute que l’on aime bousculer gentiment.
Les résultats
1. Damon Albarn - Everyday Robots
"Introspectif et ouvert sur le monde, humble et ambitieux, épuré mais foisonnant d’arrangements inventifs et de détails de production capables de transformer la grisaille du quotidien en féérie sous les tropiques (Mr. Tembo), Everyday Robots est le chef-d’œuvre d’un globe-trotter au talent et au coeur bien trop grands pour tenir dans la panoplie du parfait petit brit-poppeux efficace et inoffensif que les fans du Blur des 90s auraient voulu ne jamais le voir quitter.
Exit les petits hymnes électriques d’antan, adieu l’électro un peu bling-bling des derniers Gorillaz (Plastic Beach et The Fall), ce premier véritable album solo déroule des chansons majestueuses, audacieuses et racées qui empruntent à tous les courants musicaux (chamber pop, électronica, folk, negro spiritual, jazz, field recordings, musiques du monde) sans en revendiquer aucun à l’image du parfait Lonely Press Play.
A l’instar de la voix d’Albarn plus radiante que jamais de sagesse et d’espoir (cf. The Selfish Giant avec Bat For Lashes aux harmonies), ces chansons-là troublent, ensorcèlent ou transpercent de leur insondable mélancolie. Renouant avec l’élégance mélangeuse des grandes heures du trip-hop, on n’entendra sûrement pas plus beau cette année qu’un You & Me partagé entre grâce rétro-futuriste, easy-listening tourmenté et tristesse infinie de l’automne d’une relation. Et que dire du gospel moderne de Heavy Seas Of Love emballé par les chœurs du Leytonstone City Mission Choir et le chant de dandy d’un Brian Eno dont la seule présence (agrémentée de quelques synthés vintage fort bien dosés) incarne cette identité de passeur entre la pop et l’avant-garde que l’auteur de Think Tank endosse pleinement ici sans avoir l’air d’y toucher ?"
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(Rabbit)
2. Eels - The Cautionary Tales Of Mark Oliver Everett
"Après Souljacker, ce n’est que la seconde fois (voire la troisième si l’on inclue l’ombre de sa silhouette sur Hombre Lobo) que le visage de Mark Oliver Everett sert à illustrer l’un de ses disques. Et pour le coup, c’est même en gros plan qu’il s’affiche. Vous l’aurez compris, E ne triche pas sur The Cautionary Tales Of Mark Oliver Everett. A-t-il d’ailleurs déjà triché ?
Globalement, le disque rappelle fortement Blinking Lights And Other Revelations, l’autre album introspectif de la discographie des Américains. C’est particulièrement criant sur la rythmique presque galopante d’un titre comme l’imparable Where I’m From, Answers ou même Serie Of Misunderstandings finalement pas très éloigné de ce que pourrait être une version instrumentale de Theme From Blinking Lights. Les titres épurés, où seuls résonnent les arpèges et la voix de E, voire une discrète ligne de cordes, sont légion. Mais contrairement à End Times, où l’inspiration du natif de Virginie nous faisait pour la première fois craindre un déclin futur, The Cautionary Tales Of Mark Oliver Everett a les moyens de ses ambitions. E nous propose donc des chansons à la dimension mélodique imparable (Agatha Chang, A Swallow In The Sun, Parallels). Mais il y a surtout Mistakes Of My Youth qui figure déjà parmi les plus beaux titres de l’incroyable discographie de Eels. La recette est pourtant simple mais, outre son songwriting de génie et sa voix hypnotique, c’est sans doute, encore une fois, l’authenticité dont Mark Oliver Everett a fait son leitmotiv qui lui donne une dimension supplémentaire.
S’il a définitivement mis les bidouillages électro d’Electro-Shock Blues de côté, E est désormais à ranger du côté des grands sages à la classe et à l’aura évidentes. Il s’est assagi et sur quelques titres, Gentleman’s Choice en tête, il prend plus que jamais son temps. L’auditeur distrait s’ennuiera. Ceux qui prendront la peine de s’y immerger apprécieront."
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(Elnorton)
3. Cliff Dweller - The Dream in Captivity
"Vertigineux comme Inception et la disco de Nurse With Wound réunis, le nouvel album d’Ari Balouzian est un rêve dans un rêve dans un rêve, ou plutôt une fantasmagorie dans un cauchemar dans un miroir donnant sur l’anti-monde, avec aux manettes un illusionniste de l’hantologie qui n’a plus besoin d’artifices americana, trip-hop ou jazzy pour nous faire succomber aux attraits morbides et drogués de son purgatoire à idées.
On retrouve par intermittence le piano de Max Whipple (la veillée funèbre ouvrant le superbe Valhalla Memorial Park) et même une courte apparition de James Levine aux fûts mais c’est bien le Californien qui marque plus que jamais de son goût pour l’errance narcotique ce successeur du fabuleux Emerald City. Samples et field recordings hautement manipulés, qu’il s’agisse d’orchestres surannés, de voix déformées, de synthés analogiques d’antan ou d’instruments ethniques tirés de quelque vieille cassette, sont ainsi le terreau privilégié de ce nouvel opus maniant l’art du collage avec une fluidité toute déliquescente.
Tout au plus si la minute trente de saillie punk névrotique et lo-fi en plein milieu de The Sound Was Always Beautiful Under The Electrical Wires malmènera quelque peu, et tout à fait volontairement, la progression d’un disque se terminant à la fin du même titre sur le son d’un rideau de fer que l’on abaisse sans ménagement, comme si cette psyché trop longtemps libérée se devait de retrouver les fers avant que sa schizophrénie ne contamine l’univers alentour."
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(Rabbit)
4. Blueprint - Respect The Architect
Les années avançant, les sorties de Blueprint passent de plus en plus inaperçues. Quelques erreurs, des albums un peu trop aventureux (Adventures in Counter-Culture ou Deleted Scenes), et hop, on n’intéresse plus personne (sauf IRM)... Et pourtant, Blueprint est une légende de l’underground ! L’emcee/producteur est derrière quelques-uns des opus les plus passionnants des années 2000, jugez sur pièces ! Avec son pote Illogic (Unforeseen Shadows, Celestial Clockwork) ou au sein de Soul Position avec RJD2 et un 8 Million Stories qui est assurément l’une des meilleurs sorties de l’année 2003. Toujours en 2003, Blueprint en solo chatouille le génial avec l’énorme The Weightroom ou en 2005 avec 1988, un passionnant album hommage à la culture hip-hop old-school.
J’arrête là ? Non car Blueprint, ça n’est pas que du passé, son dernier bébé Respect The Architect est excellent ! De la production au micro, le rapper de l’Ohio nous livre un album solide (quoique un peu court). Avec des prods soul teintées 90s à la Primo, un choix de samples pertinents ((To Be) Young, Gifted, And Black d’Aretha Franklin sur Perspective par exemple), des potes (Count Bass D et Midaz The Beast sur Once Again, Illogic toujours sur Bulletproof Resume) et surtout un artisanat, un goût de la belle rime, un goût du beau geste qu’on ressent sur chaque piste.
Avec tout ça et quelques pépites (Respect The Architect pour bouger la tête, Oh Word ? pour sautiller, Silver Lining pour chialer), Respect The Architect est un petit bonheur hip-hop de 30 minutes ! Vous avez 30 minutes à perdre ?
(Spoutnik)
4. The Body (w/ The Haxan Cloak) - I Shall Die Here
Caméléons du côté obscur, les Portlandiens changent de peau et nous en font voir de toutes les couleurs (essentiellement bien sûr, des nuances de gris flirtant avec le noir profond) sur ce deuxième chef-d’oeuvre en deux ans, qui durcit le son sous la houlette post-indus du producteur dark ambient The Haxan Cloak. A la mystique éthérée sur fond d’abîme doom oppressant qui faisait de Christs, Redeemers un OVNI ni metal, ni folk, ni drone, ni shoegaze mais un peu tout ça à la fois, le duo substitue ici une trame nettement opacifiée, mur de basses écrasantes et de beats apocalyptiques derrière lequel s’agitent et s’époumonent en vain une nuée d’âmes damnées en proie aux tourments éternels.
Certains regretteront forcément d’emblée l’esthétique résolument organique de l’opus précédent, confrontée ici sur une moitié de titres à la froideur désincarnée et implacablement martelée des rythmiques. Mais cette approche du l’électro industrielle s’avère bien vite des plus déliquescentes, puisant notamment dans le doom ambient les textures putréfiées auxquelles frotter riffs mortuaires, cordes dissonantes et beats au bord de l’implosion. Étouffant et complètement désespéré.
(Rabbit)
6. Saåad - Deep/Float
Le duo toulousain Saåad, composé de Romain Barbot et de Greg Buffier, est déjà coupable de pas mal de sorties de qualité, essentiellement via leur label BLWBCK et toujours sous le format K7/digital. Explorateurs de territoires sonores expérimentaux, conciliant improvisations dark ambient, field recordings et drone abstrait, Saåad s’est finalement décidé à sortir un album en format vinyle.
Plus accessible que ses prédécesseurs, Deep/Float reste néanmoins un disque de drone cinématique sombre et vaporeux. Il maintient également les artistes, qu’ils le veuillent ou non, dans un statut d’expérimentateurs d’avant-garde.
Pour faire court Deep/Float est un disque splendide, un monument gothique et profond, constamment sur le fil, à la gloire de la névrose obsessionnelle et des personnalités borderline.
(nono)
7. Mac DeMarco - Salad Days
Aucun doute, avec sa guitare désaccordée et un son très caractéristique de cette esthétique, Mac DeMarco est un rejeton de la scène lo-fi. Il en est d’ailleurs, à l’heure actuelle, l’élément le plus passionnant. Pour ce troisième album, le Canadien fait ce qu’il sait faire et nous concocte de petits hymnes parfois mélancoliques ou ironiques, mais toujours sincères.
A l’écoute de ses chansons, il paraît évident que l’étiquette de jeune prétentieux dont la presse a eu tôt fait de l’affubler ne constitue qu’un moyen de défense face à un succès qui, déjà, le dépasse. Le désespoir en moins, on pourrait oser la comparaison avec Sparklehorse ou Daniel Johnston. Par ailleurs, son imparable sens mélodique ne l’éloigne finalement pas tellement du génial Elliott Smith (Treat Her Better).
En somme, si Mac DeMarco tente par tous les moyens de ne pas être pris au sérieux - en témoignent ses diverses excentricités, que ce soit sur scène ou sur la toile - sa sincérité prend largement le dessus dans des compositions de haute volée. A 24 ans seulement, le Canadien s’inscrit déjà parmi les songwriters les plus doués de sa génération.
(Elnorton)
Les choix des rédacteurs
Elnorton :
1. Damon Albarn - Everyday Robots
2. Eels - The Cautionary Tales Of Mark Oliver Everett
3. Mac DeMarco - Salad Days
4. Timber Timbre - Hot Dreams
5. Anton Maskeliade - Subtract The Silence Of Myself
Le Crapaud :
1. Blueprint - Respect The Architect / Ultracoït - Sex Church
2. Hippie Diktat - Black Peplum
3. Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp - Rotorotor
4. Room 204 - Maximum Végétation
5. Chausse Trappe - Chausse Trappe
leoluce :
1. The Body - I Shall Die Here / Terra Tenebrosa - V.I.T.R.I.O.L.
2. Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp - Rotorotor
3. Hippie Diktat - Black Peplum
4. The Skull Defekts - Dances In Dreams Of The Known Unknown
5. Ultracoït - Sex Church
Lilie Del Sol :
1. Broken Twin - May
2. Damon Albarn - Everyday Robots
3. Eels - The Cautionary Tales Of Mark Oliver Everett
4. Miossec - Ici-bas, Ici même
5. Prince Of Assyria - Changing Places
nono :
1. thisquietarmy - Rebirth
2. thisquietarmy/Syndrome - The Lonely Mountain / Saåad - Deep/Float
3. The Skull Defekts - Dances In Dreams Of The Known Unknown
4. The Body - I Shall Die Here
5. Whisper Room - The Cruelest Month
Rabbit :
1. Damon Albarn - Everyday Robots
2. Cliff Dweller - The Dream In Captivity
3. The Body - I Shall Die Here
4. thisquietarmy/Syndrome - The Lonely Mountain
5. Teebs - E S T A R A
Riton :
1. Cliff Dweller - Dreams In Captivity
2. Motion - Syllepsis
3. The Body - I Shall Die Here
4. Saåad - Deep/Float
5. Klara Lewis - Ett
Spoutnik :
1. Blueprint - Respect The Architect
2. CunninLynguists - Strange Journey Volume Three
3. Jeremiah Jae - Good Times
4. L’Orange - The Orchid Days
5. Army Of The Pharaohs - In Death Reborn
UnderTheScum :
1. Eels - The Cautionary Tales Of Mark Olivier Everett
2. Damon Albarn - Everyday Robots
3. Cloud Nothing - Here And Nowhere Else
4. Cliff Dweller - Dream In Captivity
5. Saåad - Deep/Float
Rendez-vous fin mai sur le Forum Indie Rock pour un nouveau vote !
Eels sur IRM - Site Officiel - Myspace
Damon Albarn sur IRM
Blueprint sur IRM
Cliff Dweller sur IRM - Site Officiel - Bandcamp
Saåad sur IRM - Bandcamp - Myspace
Mac Demarco sur IRM
The Body sur IRM - Bandcamp
- Sulfure Session #1 : Aidan Baker (Canada) - Le Vent Se Lève, 3/02/2019
- Sulfure Session #2 : The Eye of Time (France) - Le Vent Se Lève, 3/02/2019
- Aidan Baker + The Eye of Time (concert IRM / Dcalc - intro du Sulfure Festival) - Le Vent Se Lève (Paris)
- Tomin - Flores para Verene / Cantos para Caramina
- 2 Tones - No answer from Retrograd
- Spice Programmers - U.S.S.R.
- Lynn Avery & Cole Pulice - Phantasy & Reality
- CID - Central Organ for the Interests of All Dissidents - Opium EP
- Darko the Super & steel tipped dove - Darko Cheats Death
- Leaf Dog - When Sleeping Giants Wake
- Stefano Guzzetti - Marching people EP
- Leaf Dog - Anything is Possible
- youbet - Way To Be
- 2024 à la loupe : 24 EPs (+ bonus)
- Tomin - Flores para Verene / Cantos para Caramina
- Novembre 2024 - les albums de la rédaction
- 2024 à la loupe : 24 labels
- Leaf Dog - When Sleeping Giants Wake