Détroit - Horizons
Peut-être avez-vous vécu dans une grotte ces derniers mois ? Auquel cas, il convient de préciser la chose suivante. Derrière Détroit se cache le duo formé par Bertrand Cantat et Pascal Humbert, ex-bassiste de 16 Horsepower.
1. Ma Muse
2. Glimmer In Your Eyes
3. Terre Brûlante
4. Détroit 1
5. Ange De Désolation
6. Horizon
7. Droit Dans Le Soleil
8. Détroit 2
9. Le Creux De Ta Main
10. Sa Majesté
11. Null And Void
12. Avec Le Temps
Brisons d’emblée la glace. Il est difficile de parler de ce disque sans donner son avis sur le drame de Vilnius. Que Bertrand Cantat ait commis un crime, c’est évident. Mais, par pitié, que chacun reste à sa place. La justice a jugé l’homme. Charge à la plèbe, en revanche, de juger l’artiste si elle le souhaite.
C’est à cet exercice que l’on va s’essayer ici. De plèbe, il en est presque question, pour commencer. C’est en effet bien dans la tradition gréco-romaine que Bertrand Cantat avait amorcé son retour, en 2011 et déjà aux côtés de Pascal Humbert. Les gaillards nous livraient ainsi Choeurs, side-project mettant en musique des textes de Sophocle.
A l’exception donc, de cette discrète incursion dans la tragédie grecque, Horizons est le premier album de Bertrand Cantat depuis Des Visages, Des Figures, sommet discographique de Noir Désir qui voyait les Bordelais s’éloigner de leur rock originel à la recherche (déjà) de nouveaux horizons.
D’Horizons, justement, on pouvait craindre le pire. En raison, tout d’abord, de la qualité des compositions post-Vilnius livrés par Noir Désir. Gagnants/Perdants et la relecture du Temps Des Cerises gisent, en terme d’élégance, dans les abysses de la carrière du groupe. Heureusement, le quatuor aura su s’offrir une fin digne de ce nom avec la magnifique reprise du Aucun Express d’Alain Bashung.
Le contexte ne semblait pas non plus favorable. A la volée, on pouvait déplorer l’absence de Denis Barthe derrière les fûts mais surtout celle de Serge Teyssot-Gay, qui n’avait pas son pareil pour sublimer de sa gratte la voix de Cantat. On n’oubliera pas la position délicate du chanteur qui avait fait de ses textes revendicatifs une des empreintes de son identité musicale. En raison des circonstances, la position du "donneur de leçons" est moins facile à tenir. Aurait-ce un impact musicalement ? A voir. Mais surtout, le vrai motif d’interrogation concernait la voix de Cantat, absolument affreuse sur un titre comme Gagnants/Perdants. Avant même d’écouter ce disque, on avait toutes les chances de le détester, et en restant uniquement sur son aspect artistique.
Horizons, donc, s’ouvre sur Ma Muse. Rimes faciles, tempo lent et épuré évoluent finalement vers une dimension mélodique bien plus rythmée rappelant clairement Noir Désir. L’absence de Serge Teyssot-Gay pour soutenir la voix de Bertrand Cantat est compensée par la maîtrise technique de Pascal Humbert dont le terrain de jeu préférentiel n’est de toute façon pas très éloigné de ceux à qui l’on doit Tostaky, partageant notamment le Gun Club comme influence commune.
Glimmer In Your Eyes, après une introduction qui nous fait craindre le morceau soporifique, nous offre une bien jolie ritournelle sur laquelle on retrouve (discrètement, mais ce n’est qu’un début) l’harmonica caractéristique de la patte Cantat et de délicieuses et sobres cordes se mariant à merveille avec le susurrement du chanteur.
Terre Brûlante, avec son tempo plutôt lent, la superposition de différentes couches sonores parmi lesquelles, ici et là, ce fameux harmonica ou quelques accords de piano ainsi que le phrasé plus qu’assuré de Cantat nous rappellent au bon souvenir de Des Visages, Des Figures. Si ce véritable sommet discographique des Bordelais avait eu le successeur qu’il mérite, nulle doute qu’il aurait comporté des morceaux ressemblant à Terre Brûlante. Le rock des débuts du groupe est bien loin, ici. Il est remplacé par quelque chose de plus ambitieux, mais jamais pédant.
Un petit interlude, Détroit 1, et l’on est déjà au cinquième morceau de l’album. Le quasi éponyme (seul lui manque le passage au pluriel) Horizon est probablement la plus grande réussite de l’album. Pascal Humbert s’amuse avec quelques arpèges mis en boucle, quand Bertrand Cantat se répond à lui-même en assurant ses propres chœurs. On serait tenté de dire, là aussi, que ce morceau correspond à ce qu’on aurait attendu du successeur de Des Visages, Des Figures, en l’occurrence un prolongement de ce virage plus sage. Mais à la vérité, il faut plonger encore quelques années plus loin, à l’époque où les Girondins nous offraient 666.667 Club (la pochette d’Horizons semble d’ailleurs être un petit clin d’œil à celle de cet album). Car cet Horizon que Bertrand Cantat essaye de capter entre les cloisons en se demandant "combien de temps [il a] passé dans ce tunnel sous la cour des cent pas éternels" évoque bien sûr l’univers carcéral, mais musicalement, c’est à Septembre En Attendant que l’on pense nécessairement. Rarement le natif de Pau aura été aussi touchant.
On enchaîne avec Droits Dans Le Soleil, premier single de l’album. Relativement répétitif, et très épuré malgré la présence bienvenue de délicieuses cordes, ce morceau est plutôt plaisant et précède Détroit 2, deuxième transition instrumentale du disque.
Retour aux sources rock avec Le Creux De Ta Main qui reprend l’essentiel des codes du Noir Dez de Veuillez Rendre L’Âme. Ce morceau est un délice d’énergie pendant près de quatre minutes et vient contraster avec l’ambiance du reste d’un album globalement intimiste.
Puis, Sa Majesté oscille entre moments intéressants et d’autres franchement agaçants. Null And Void constitue une nouvelle réussite. Plaisant, sans rien révolutionner, le morceau s’étoffe au fil de son évolution et prépare le terrain pour un dernier titre, Avec Le Temps, reprise de Léo Ferré. Si cette relecture épurée est tout à fait acceptable, elle est néanmoins loin d’égaler Des Armes où, en 2001, Bertrand Cantat nous proposait presque a capella un de ces moments rares où une voix seule parvient à nous hérisser les poils et nous glacer le sang.
En bref, Pascal Humbert et Bertrand Cantat nous proposent un disque cohérent avec de nombreux passages délicieux malgré une légère baisse de régime en bout d’album. Cela ne vaut clairement pas Des Visages, Des Figures, sans doute pas non plus 666.667 Club (bien qu’Horizons n’évolue pas sur le même terrain de jeu), mais le contenu de ce disque reste au-dessus de la mêlée et devrait permettre à tout auditeur de passer 48 minutes bien agréables.
Pour peu que l’on accepte de ne juger que l’artiste, mais c’est bien ce que l’on s’était promis, non ?
Veuillez excuser le détournement d’une citation émanant d’une industrie qui génère bien assez de fonds pour ne pas avoir besoin de pareille publicité. Première année post-fin du monde, 2013 avait toutes les raisons d’être redoutée par les superstitieux. Alors, musicalement, s’agissait-il d’un grand cru ou un chat noir captait-il les diverses ondes (...)
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