Si chaque semaine apporte à l’écumeur du web son lot de vapeurs ambient fragiles et enivrantes, rares sont celles qui témoignent d’une telle maturité pour une première sortie à grande échelle, et plus rares encore celles à venir tout droit d’Uruguay. Autant dire qu’on avait bien fait de garder une oreille braquée sur le label Oktaf de Martin Juhls depuis l’habité Présence Acousmatique du Marsen Jules Trio darkjazz emmené par ce dernier.

Il faut dire tout de même qu’à l’image de l’Allemand, Gastón Arévalo a de la bouteille, habitué des EPs digitaux et autres sorties cassettes sur de petits labels depuis ses débuts plus minimalistes il y a déjà quelques années. Un background lo-fi dont l’Uruguayen se détache tant matériellement qu’esthétiquement avec Rollin Ballads, travaillant avec la minutie voilée d’un peintre pointilliste ses abstractions organiques faites de field recordings hautement manipulés et de drones à couper au couteau pour reconstituer souvenirs mouvants et impressions floues de voyages passés.

Marqué par une certaine francophilie et une obsession de la mémoire géographique, l’album nous entraîne ainsi d’élégies seinoises en rêveries luxembourgeoises, de percussions ballotées par le vent (Le Pont) en affleurements de cordes spleenétiques (Voyageur sur terre), à la recherche du temps perdu et de ces mélodies souterraines que la mémoire synesthésique associe aux humeurs qui nous hantent, parfois depuis l’enfance dans le cas de ce musicien largement influencé par le voisinage du port de Montevideo et l’imaginaire charrié par son ballet de transports en partance.