Grosse année et beau mois de juillet pour Utech qui parallèlement aux stridences météoritiques du duo harsh free jazz Burning Tree et de son Lammergyer inspiré par la SF apocalyptique et l’avant-garde no wave des 70s, nous entraîne dans le sillon nettement plus mystique et insidieux tracé par Pietro Riparbelli avec cet hommage drone-doom aux rituels occultes d’Aleister Crowley dont l’Italien prétend avoir convoqué l’esprit lors d’une séance de "transcommunication instrumentale" au Temple de Diane à Cefalù (Sicile).

Situé dans la province de Palerme, le mage et philosophe souhaitait y être enterré avant d’être chassé du pays par le gouvernement fasciste en 1923 suite au décès louche de l’un de ses adeptes. Autant dire que si l’on s’en réfère aux croyances de l’Anglais qui se surnommait lui-même la "Bête 666", son essence doit encore errer dans les parages en quête d’unions mystiques contre nature, une présence que K11 tente de retranscrire en manipulant ces radios à ondes courtes utilisées pour prendre contact avec les esprits et accessoirement façonner des drones malsains à vous hérisser les poils des mollets.

Ici Crowley n’est plus cette simple icône de la contre-culture que même les Beatles affichaient sur la cover de leur Sgt. Pepper sans vraiment savoir de quoi il retournait, mais une véritable figure tutélaire, qu’il s’agisse des puissances créatrices (les Sephiroth) composant l’Arbre de Vie de la Kabbale dont il s’inspira largement pour développer son propre système ésotérique et religieux (la Thelema) et qui donnent leurs noms à trois des 5 morceaux-fleuves de ce temple musical à la gloire de Therion, du portrait sur la pochette bien sûr ou simplement de l’atmosphère de spiritualité déliquescente et pervertie qui s’en dégage lorsque la menace surgit en rase campagne, engloutissant le bruissement des feuilles et les gazouillis des oiseaux sous son voile de drones funestes, de sursaturations vociférantes et de modulations rampantes.