Focus festival 2013 : La Route du Rock
le 17/08/2013
Retour sur deux des évènements de la 23ème édition de la Collection Été du festival Breton, qui accueillait cette année dans le cadre grandiose du Fort Saint-Père des grands noms que les lecteurs d’IRM connaissent bien pour les avoir déjà trouvés dans nos derniers tops mensuels. C’est d’ailleurs à cela que l’on reconnaît une bonne programmation ! Non ?
Mercredi 14 Août :
La Nouvelle Vague :
Austra
Clinic
Julia Holter
Jeudi 15 Août :
Le Fort de Saint-Père - Scène du Fort :
Fuck Buttons
!!!
Nick Cave & The Bad Seeds
Local Native
Iceage
Magnetic Friends (DJ)
Le Fort de Saint-Père - Scène des Remparts :
Electric Electric
Moon Duo
Jacco Gardner
La Plage Bon-Secours :
Orval Carlos Sibelius
Clapping Music (DJ)
Vendredi 16 Août :
Le Fort Saint-Père - Scène du Fort :
TNGHT
Bass Drum of Death
Godspeed You ! Black Emperor
Efterklang
Woods
Magnetic Friends (DJ)
Le Fort de Saint-Père - Scène des Remparts :
Zombie Zombie
Allah-Las
Jackson Scott
La Plage Bon-Secours :
Cankun
Hands In The Dark (DJ)
Le Théâtre Chateaubriand :
Conférence : Le Garage Rock
Samedi 17 Août 2013 :
Le Fort Saint-Père - Scène du Fort :
Disclosure
Hot Chip
Tame Impala
Concrete Knives
Junip
Magnetic Friends (DJ)
Le Fort de Saint-Père - Scène des Remparts :
Suuns
Parquet Courts
Widowspeak
La Plage Bon-Secours :
Trésors
Desire (DJ)
La Plage de L’Eventail :
Sport Is Not Dead
Focus festival 2013 : La Route du Rock
La file de véhicules bondés s’étend presque de la voie rapide jusqu’au parking du festival, le vendredi, lorsque nous nous y insérons, avec la grâce évidente et ineffable qu’on peut espérer d’un Kangoo bleu-flic rehaussé. À qui croyait arriver à une heure intelligente en approchant de Saint-Malo vers 19h, nous pouvons à présent affirmer qu’il se mettait le doigt dans l’oeil, ce que nous nous sommes nous-mêmes infligé, en constatant la lenteur de notre progression, sous la chaleur ardente du soleil malouin, dans le cul-à-cul traînant des carrosses métalliques. Le temps de prendre l’apéro dans le coffre de la bagnole et de résumer la programmation avec nos voisins de stationnement, nous ratons le concert de Iceage. Les dernières intonations de la voix sans âme du chanteur danois nous parviennent alors que nous franchissons la fouille à demi humiliés. Une fois entrés, nous n’avons pas fini de passer à côté des choses, puisqu’une éternité d’attente s’impose inexorablement à celui qui souhaite se rafraîchir. C’est ainsi que nous entendons vaguement le blues psyché de Moon Duo, un œil rivé sur les écrans de la grande scène, l’autre sur la queue interminable qui mène à la banque aux jetons...
C’est notre première à La Route. Constat rapide, le site est assez petit, alors que nous nous attendions à une plaine de plusieurs hectares. On comprend que c’est encore un festival à taille humaine, on s’en réjouit. Lui qui avait fait choux blanc en 2012 (13 000 personnes) avec une programmation sans coup d’éclat, vise cette année les 20 000 âmes, en privilégiant davantage l’électro et la pop à la mode. Ce n’est vraiment cela que nous sommes venus voir. Le vendredi, deux choses nous attirent : la légende d’une part et la force montante de l’autre. Nick Cave & The Bad Seeds et Electric Electric. Parce que nous avons déjà eu l’occasion de parler des seconds et de dire toute l’énergie grisante qui les anime, nous nous arrêterons sur les premiers, qu’on découvrait sur scène.
Nick Cave & The Bad Seeds, setlist :
1. We No Who U R
2. Jubilee Street
3. From Her To Eternity
4. Tupelo
5. Deanna
6. Mermaids
7. Love Letter
8. Higgs Boson Blues
9. The Mercy Seat
10. Stagger Lee (Fred Waring & His Pennsylvanians cover)
11. Push The Sky Away
Les deux premiers morceaux du set, tirés du dernier album de l’Australien, nous surprennent par leur dynamisme, étant donné la langueur de leur origine. Dès la fin de We No Who U R, on comprend que Nick Cave est prêt à se donner à fond aux festivaliers, et en particulier aux festivalières... D’un mouvement violent il écarte les photographes et grimpe sur la grille qui maintient la foule. Les caméras qui retransmettent le show sur les écrans peinent à le suivre et le spectacle de son corps sec caressé devient une chose presque intime. Cela ne suffit pas que le crooner se jette dans la fosse, il faut encore que la version de Jubilee Street qui suit soit étirée et captivante pour que nous ne restions plus craintifs d’une prestation décevante. À ce moment, l’archet de Warren Ellis a encore suffisamment de crins pour que les cordes délicates de l’arrangement entraînent le morceau vers son apothéose.
Là encore, la satisfaction n’était pas accomplie. C’est le troisième morceau et ce n’est plus le dernier album. Génial, ils tapent dans le catalogue ! Et pas pour ramener à la vie des vieux titres oubliés. Non. C’est From Her to Eternity et Nick Cave est déchaîné. Il vient encore à la rencontre des corps et le bras tendu, au hasard, attrape des mains. L’étreinte est longue et l’émotion réelle. Le morceau va bientôt avoir 30 ans et peu de choses ont changé. Les intentions de Cave fonctionnent encore. Un blues punk débraillé avec une classe infinie.
Le fond de sa gorge s’éparpille en mollusques verdâtres sur le plancher noir. Les refrains reviennent le souffle court. Et l’intensité qui se maintient et se propage dans un solo noisy. Encore Warren Ellis.
Avec l’âge, sans doute, la musique vient toute seule. C’est l’impression que donne Jim Sclavunos à la batterie, qui joue pépère, sans trop se forcer. Pas très loin de lui, il y a un mec. C’est Barry Adamson. Sais pas trop ce qu’il fait. Des claviers, des trucs, la basse et de la batterie. Je soupçonne qu’il soit là pour assurer au cas où Sclavunos serait trop mou. Pas sûr.
Les morceaux s’enchaînent et Cave a une putain de patate. Le rockab’ de Deanna produit des mouvements contagieux. Plus tard, peu avant de finir sur un Push The Sky Away velouté (traversé sur la fin d’un larsen involontaire), les Bad Seeds interprètent un Stagger Lee d’une puissance inouïe. La structure itérative du titre amène le chanteur à accentuer la saturation de sa voix à chaque retour du même « Stagger Lee », jusqu’à brailler comme un ours. Le concert dépasse là, vraiment, toutes nos espérances. Nous n’attendions pas tant d’énergie de la part du quinqua...
Le dernier « Push The Sky Away » vient d’être entonné. Chacun se tourne vers son voisin pour s’assurer qu’il a autant apprécié. Evidemment, les sourires se trouvent.
Quand la foule se desserre, on prend conscience de son ampleur. C’est clairement le concert qui a attiré le plus de monde. Mais c’est seulement le lendemain qu’on s’en rendra compte...
C’est le lendemain. Personne n’a bien dormi, pas la peine de demander. On profite du temps de chiotte pour ne pas aller se baigner à Saint-Malo en buvant l’eau qui nous manquait la veille. À ce moment-là, tu avais très mauvaise haleine. Il n’y avait pas que toi.
Retour sur le parking du festival, beaucoup moins peuplé. Échauffement du foie avant d’attaquer le deuxième set.
Ce soir, on n’est pas tellement emballé par ce qui précède et suit ce qu’on est venu voir. Inutile de dire ce que je pense des concerts de Efterklang ou Zombie Zombie, de Bass Drum of Death ou TNGHT, tant j’en attendais rien et tellement sur ce point je n’ai pas été déçu... de même pour ce que j’ai tu de la veille : Local Natives, !!!, Fuck Buttons... Rien à dire.
Maintenant, il reste Godspeed You ! Black Emperor. On est un certain nombre (moindre par rapport à la veille pour Nick Cave) à avoir fait le déplacement pour voir le collectif montréalais. Après avoir attendu 10 ans avant de sortir un nouvel album, ils ont su créer un désir. Ceux qui se font rares attisent les fantasmes. Avant le show, sur quelques visages, l’excitation est manifeste. Des pronostics sont faits : « ils vont jouer tout le dernier album en entier », « non, ils vont pas le jouer, ils en ont rien à foutre, vont faire que du drone, pendant une heure et demie », « quand même pas, ça se trouve ce sera que du bourrin... », « vont peut-être jouer des nouveaux trucs ? », « peut-être... ».
Pas la peine de faire durer le suspens plus longtemps.
Godspeed You ! Black Emperor, setlist :
1. Hope Drone
2. Mladic
3. Behemoth
4. Chart#3
5. World Police And Friendly Fire
Un à un les musiciens prennent place. Ceux qui avaient parié sur le drone ne s’étaient pas complètement plantés. Le bourdonnement s’élève et s’accroît peu à peu. C’est le drone de l’espoir.
Sur les écrans, au fond de la scène et sur les côtés, des images au ton sépia se chevauchent. Des écritures. Des archives. Le mot « hope » clignote durant la montée. C’est probablement le seul groupe qui n’est pas filmé. Ceux qui sont loin de la scène devront se contenter des vidéos diffusées. Les partis pris par le groupe sont radicaux, fidèles à leurs idéaux. Les musiciens, en cercle, s’activent dans une pénombre safranée. Il n’y aura pas de jeux de lumière. Tous les musiciens ne sont pas visibles. C’est voulu. David Bryant est même de dos. Cette anti-mise en scène en est une. Pas de compromis. Pas de spectacle.
Mladic s’ouvre et on le reconnaît progressivement. Il s’est bien écoulé dix minutes avant qu’une percussion se soit faite entendre. Pas sûr. La notion de temps est diffuse. Nos montres ont fondu.
Thierry Amar alterne basse et contrebasse. Avec Mauro Pezzente il y a donc parfois deux basses en même temps. Il y a aussi à peu près deux batteries. Les deux percussionnistes s’échangeront leur place après Mladic, pour ne plus se la prêter ensuite.
C’est Behemoth. C’est quoi ? Un nouveau morceau. Il est bien ? Il dure 45 minutes. Et alors ? Tu peux l’écouter là. Tu peux même le télécharger. C’est du live, il est pas encore sorti. Peut-être dans dix ans pour la version studio ?
La ballade orientale se déroule et nous emporte ailleurs. Les bustes d’un public dépeuplé par tant d’audaces se balancent avec lenteur, d’avant en arrière. Après une montée lente et lourde, il y a un long moment de recherche autour d’un son continu. Des vagues grésillantes, des cordes ondulantes. Des larsens, des cliquetis. Tranquillement, sur une mélodie de violon, des accords de guitare reviennent distinctement. Des coups de massue sur les gros toms. Des roulements de caisse claire. Quelque chose d’inquiétant s’élève, comme une armée au pas. Une armée de l’ombre. Une division de spectres. Les lignes mélodiques s’entrecroisent et l’ensemble saturé fait vibrer la poussière. Une nuage naturel tamise la fosse et le désert entre les gens croît à mesure que les membres du groupes regagnent leurs instruments. Car ils s’égaillent régulièrement, j’avais oublié de dire. La distance entre les spectateurs est relative à la nature de l’image mentale qui se forme en chacun. Et il y a des images qui emmènent loin. Mon voisin n’est pas dans mon domaine. Mon domaine, pourtant, est un monde ouvert, sans frontière, visité et bâti par l’aventure musicale.
Autour de la quarantième minute, sans doute, Behemoth devient une chose violente. Ce sont les cinq dernières minutes. La distance susdite s’amoindrit. Finalement il rassemble. Pas un pogo, mais une tressaillement généralisé collectivise l’ambiance. Il y a comme une unité. Ça se termine par une envolée typiquement post-rock.
C’est finalement l’album Lift Yr Skinny Fists Like Antennas to Heaven ! qui est mis à contribution pour la dernière demi-heure. Chart#3 introduit World Police and Friendly Fire par un drone bruitiste. Puis les cordes arrivent, lors d’un moment suspendu. La voix filtrée est émise. À nouveau, une lande inconnue. Un espace s’étend à travers le temps. La fin, c’est un crescendo et une accélération. Une ascension qui nous laisse haut. Perchés, évidemment.
Ils quittent la scène progressivement. Chacun à leur tour, ils font un petit signe de la main. On ne les reverra plus. Le dernier éteint les amplis vrombissants et c’est fini.
Coup d’oeil à l’horizon. Le site s’est bien dégarni. « Ben alors, les gars, les filles, vous êtes où ? Pas en train d’attendre Zombie Zombie quand même ? Ha, ben si... ».
En se dirigeant vers le bar, on constate que nos jambes ne fonctionnent plus trop bien. Elles ont pris goût au ciel, la terre ferme est trop dure. C’est la réalité. C’est le monde des choses concrètes qui refait surface brutalement. Dans le carré pipi, le halo d’urine a pris une place conséquente. Une odeur infecte. Ces chiottes sont merdiques. Ça coûte quoi des copeaux ? Que dalle ! Ben alors, la prochaine fois, t’en mets, et puis c’est mieux.
On va pas tarder à aller se coucher nous. Demain on revient pas. On reste là-dessus, ça vaut mieux. Avec Nick Cave et Godspeed, c’est bien. C’est bien. C’était vraiment bien.
Photos : Nicolas Joubard.
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