Le streaming du jour #454 : CROWN - ’The One EP’
O.K., c’est vrai, sur ce coup-là, on est un peu à la traîne. Cet EP est déjà âgé de six mois. Autant dire une éternité pour les musicovores discophages voraces jamais vraiment rassasiés que nous sommes et que vous êtes aussi. Dans le même temps, c’est un bon indicateur : en six mois, l’envie d’en parler est restée intacte, ne s’est même jamais émoussée malgré les écoutes répétées et répétées encore. Il se dégage de The One un petit quelque chose, un supplément d’âme qui fait vraiment toute la différence. Pourtant, le périmètre musical dans lequel se meut CROWN est du genre encombré, voire même surchargé : il s’agit de doom avec de gros morceaux de post-hardcore dedans, teintés d’éclats de sludge. Le tout porté par une charpente industrielle assez marquée.
Dès lors, à peine les premières secondes se font-elles entendre qu’une multitude de noms envahissent le cerveau : Godflesh, Neurosis, Isis et cætera. De prime abord, ayant écouté nombre de leurs copies carbones, parfois pour le meilleur mais souvent pour le pire, on s’apprête à se laisser envahir par un profond sentiment de lassitude. Mais le sentier qu’emprunte CROWN a beau être balisé, l’atmosphère générale bien connue, il n’en reste pas moins que l’ennui ne vient jamais. La musique du duo dégage quelque chose qui n’appartient qu’à elle. Peut-être est-ce dû à sa grande sincérité ou à leur talent de composition indéniable ? Ou à la posologie millimétrée à l’œuvre derrière chacun des morceaux, cette façon bien particulière d’injecter des doses salutaires de guitares éthérées et d’accents plus abstraits dans la lourdeur et la brutalité qui prédominent. Difficile à dire et c’est sans doute tout cela à la fois. Et puis même, peu importe, ce que l’on sait c’est que l’on écoute The One bien souvent.
Cosmogasm et sa puissance arrachée, son growl abyssal et son tapis de riff massifs et lents. Rien de nouveau mais tellement bien fait. Et puis ces cordes qui envahissent le morceau sans être ridicules ni grandiloquentes, soulignant toute la tension jusqu’ici bien cachée derrière les assauts pesants. Rien à voir avec The One qui explore les rivages plus apaisés d’un post-metal fuselé. Les mantras de la voix qui envahissent les guitares dépressives, la profonde mélancolie qui envahit alors le disque. Un titre superbe. 100 Ashes change de direction et s’en va fureter du côté d’une ambient triste et minérale portée par un piano élégant. CROWN revêt dans ces moments-là d’autres oripeaux, il était guerrier, il devient chamane mystique célébrant les éléments. Mais retrouve ses envies belliqueuses dès Mare qui convoque crânement les guitares d’un J.K. Broadrick alors que la voix alterne passages clairs et growls méchants. Orthodox se charge de faire la synthèse de tout cela, idéalement placé en fin de disque, porté par des percussions tribales et un murmure lointain avant de brusquement changer d’atmosphère en son milieu. Initialement shoegaze, le morceaux devient post-core et permet alors de souligner l’une des grandes réussites de The One : le grand mélange qui l’habite.
Ce duo colmarien fait donc preuve de beaucoup de finesse, y compris lors des passages plus brutaux et bas du front. Fortement attiré par le noir, à l’aise dans l’esquive autant que dans l’attaque, dans la fureur que l’apaisement, CROWN impressionne. Et ce n’est là que leur premier effort. On imagine aisément ce que cela pourrait donner sur une durée plus longue. On imagine et on attend.
Court et intense. Remarquable, tout simplement.
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