On a déjà tout lu et surtout beaucoup de mal à propos de cette collaboration a priori contre-nature entre le poète tourmenté du Velvet aux 45 ans de carrière et les thrasheux californiens aux riffs non moins vieillissants, en libre écoute sur un site dédié jusqu’à sa sortie officielle prévue mardi.

Allergiques au métal qui tâche d’un côté et aux errances séniles du New-Yorkais de l’autre, il y a pourtant pas mal d’idées préconçues dans la plupart de ces réactions. Car si le début d’album est effectivement à la hauteur de bien des inquiétudes, Lou Reed s’improvisant en braillard de heavy redoublant d’emphase de sa voix éraillée sur fond de guitares chevelues (The View) ou de roulements de batterie non moins grandiloquents (Brandenburg Gate) avant de nous faire la même en version thrash (Mistress Dead), Lulu ne démarre véritablement qu’à mi-parcours avec Cheat On Me... enfin à mi-parcours c’est vite dit puisque les titres qu’il nous reste alors à découvrir voire même - osons le mot - à explorer se dérouleront désormais sur 12 minutes de moyenne.

Un format qui permet aux musiciens d’installer de véritables atmosphères en épurant leur jeu pour lorgner sur le black metal (Frustration) voire le doom (Dragon) lorsqu’il ne s’agit pas en toute simplicité de quelques accords ou larsens lancinants, et au chanteur de laisser libre cours à ses babillages névrosés jusqu’à l’abstraction (Little Dog), pour retrouver une cohérence et une sérénité d’autant plus touchantes sur Junior Dad, petit chef-d’œuvre aux cordes obsédantes qui clôt le disque et dont le cheminement vers la lumière captive sur près de 20 minutes. Pas si sénile, donc, le Lou Reed qu’on avait d’ailleurs déjà croisé au côté de John Zorn sur un live tout aussi hors-format il y a quelques années et qui fêtera - respect - ses 70 ans l’an prochain.