Emika, Amenta, Alicia : à qui la couronne de la "bass music" ?

On vous avait promis en tout début d’année un duel Emika/Daedelus, partant du croisement orchestré par King Cannibal sur le grand mix des 20 ans de Ninja Tune l’an dernier autour du fameux Drop The Other qui nous avait révélé la Berlinoise d’adoption et son sombre dubstep vocal quelques mois auparavant :


L’échec de Bespoke en aura décidé autrement pour le dandy Darlington, tout juste sauvé de la poussivité par l’intervention aussi gracile que gourmande de la grande Inara George sur l’enivrant Penny Loafers aux allures de comptine baroque d’un autre temps. Dès lors les choses était claires, 2011 serait l’année de la femme et il n’y avait plus qu’à attendre sagement l’annonce par le label anglais de la date de sortie d’un premier LP qui continuait de se faire attendre du côté d’Emika (photo), malgré l’enchaînement de singles aussi sensuels que le tourmenté Count Backwards, croisement idéal entre Massive Attack et Leila au clip tout aussi ambivalent et mystérieux que ce post trip-hop insaisissable :


Sauf qu’entre-temps, quelques outsiders ont commencé à pointer le bout de leur nez. Du côté de l’excellent label First Word tout d’abord, où sévit sur EP depuis le début du mois (en attendant l’album en 2012) la fascinante Amenta, Canadienne basée à Londres pour mieux fricoter avec quelques-uns des producteurs les plus singuliers du moment, de fLako à kidkanevil. Amenta c’est d’abord une voix, quelque part entre la sagesse mystique d’un Gonjasufi au féminin, le romantisme de Billie Holiday et la virtuosité malicieuse de Björk, mais aussi et surtout une vision de ce que peut donner la rencontre entre pop, soul et dubstep, à mille lieues de l’austérité néo-gospel d’un James Blake :


Mais la surprise pourrait aussi venir de Nouvelle-Zélande, où Alicia Merz plus connue des amateurs de dream-pop minimaliste et plombée sous le pseudonyme de Birds Of Passage avec notamment le remarqué Without The World sorti en mars chez Denovali, a décidé de s’acoquiner avec le producteur portugais Leonardo Rosado (auteur pour sa part en juin dernier du mélancolique Opaque Glitter mêlant drones abstraits, field recordings et glitchs discrets*) pour accoucher fin octobre d’un Dear And Unfamiliar superbement introduit par le clip du premier extrait Here’s Looking At You, Kid :


Une vidéo dont la mise en scène impudique et troublante, à l’image du chant d’Alicia qui semble avoir gagné en nuances et en ambiguïté, rappelle étrangement celle du fabuleux Double Edge d’Emika lui-même à mi-chemin de la fragilité et de l’introspection malsaine, sans parler de ces nappes impressionnistes et mouvantes orchestrées par Rosado aux infrabasses plus ambient et assourdies mais bel et bien présentes comme en atteste notamment le titre We’ll Always Have Paris en écoute sur le site de Denovali, un troisième extrait Endings And Beginnings faisant même la part belle à des rythmiques hypnotiques et hachées sur fond de piano atonal.


De quoi boucler la boucle et en revenir à Emika, dont on attend désormais le premier album éponyme pour lundi prochain avec en guise de derniers avant-goûts le double single Pretend / Professional Loving, sommet de dubstep gothique et malaisant pour le second dont les cascades d’échos ne vont pas sans rappeler le crépusculaire Angel de Massive Attack - encore eux :


... ou progression martiale et menaçante dans la lignée du Pluto de Björk - encore elle - pour le premier, ici interprété live par l’Anglaise en son fief berlinois :


Adoubée remixes à l’appui par les cadors du dubstep, de Kryptic Minds (qui lui offraient également le micro en mode morbide sur la face-B de leur single Can’t Sleep en mars dernier) à Scuba, ou encore le pape berlinois de la deep techno Marcel Dettmann, pilier du label Ostgut Ton dont elle fêtait les 5 ans en novembre dernier avec une petite perle de techno indus en hommage au Berghain (sur la compil’ Fünf produite par ses soins), Emika apparue par ailleurs au chant chez Paul Frick (Berlinois toujours et tiers du combo techno-jazz Brandt Brauer Frick) volera-t-elle justement la vedette à l’Islandaise en cette rentrée électro plus que chargée ? Réponse dans quelques semaines en espérant qu’une quelconque hype ne vienne pas trop dénaturer la joute...


En bonus un chouette podcast pris en main par l’Anglaise à partir de la 26ème minute, histoire de constater qu’elle connaît ses classiques sur le bout des doigts et a aussi dans sa besace de sacrés trésors à nous faire partager, à l’image notamment de ce double single de post-dubstep stellaire et cinématique signé Benny Ill vs. J.King.


* en libre écoute et téléchargement à prix choisi du coté du netlabel Feedback Loop qui nous avait déjà fait découvrir l’électro-pop jazzy des Turques de Fuji Kureta.

News - 29.09.2011 par RabbitInYourHeadlights
 


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