Joshua Kay (aka Jeswa) et Romulo Del Castillo (aka Takeshi Muto), vieux briscards de l’IDM et du dark ambient d’outre-Atlantique déjà associés au mitan des années 90 sous le nom de Soul Oddity, officient depuis 1997 sous celui de Phoenecia. Un EP chez Warp à l’époque et puis s’en vont, mais ça n’est pas pour autant que le duo de Miami, auteur depuis de deux albums et d’une poignée d’EPs sur son propre label Schematic, a revu ses ambitions à la baisse.
En témoigne leur troisième long en écoute depuis mi-juin, Demissions, que l’on aurait pu - voire même dû - chroniquer mais pour lequel on a choisi la facilité, à savoir se contenter de vous annoncer sa parution en CD limité chez DetUnd à compter du 30 juillet, précédée le 22 en vinyle sur ce même label d’un EP présentant quatre titres de l’album agrémentés d’un inédit exclusif, la version digitale étant d’ores et déjà disponible via Bandcamp.
Car l’univers de Phoenecia, plus encore qu’irréductible, est du genre indéfinissable voire carrément insaisissable comme vous êtes peut-être déjà en train de vous en rendre compte en tâtonnant pour trouver la sortie du labyrinthique Two-Part Invention For Bodhran & Computer de plus de 12 minutes qui ouvre ce nouvel opus.
Tantôt porté sur une ambient ténébreuse et dénuée de tout squelette rythmique, épique et sous-tendu de beats au minimalisme post-industriel ou animé d’un groove mathématique aux pulsations marquées par l’influence d’Autechre, tantôt abstrait et zébré d’interférences électroniques à la limite du perceptible ou plus cinématique dans ses évocations d’un imaginaire volontiers inquiétant aux allures de rêve opiacé ou de vision hantée, tantôt soumis à d’étranges mutations colorées ou plus austère et dramatique mais toujours fascinant sur plus de 70 minutes, le successeur du tout aussi gargantuesque et abyssal (mais dans une veine ambient électro-acoustique chaotique et flippante) Echelon Mall de 2009 se fait néanmoins légèrement plus abordable en terme de format, alternant longs trips immersifs et titres plus courts et "percutants" à la façon du génial Brownout qui fête ses dix ans cette année et que certains considèrent avec raison comme l’un des plus beaux trésors cachés de la décennie passée.
Reste à espérer qu’il n’en soit pas de même dans dix ans pour ce nouveau chef-d’oeuvre toujours hautement atmosphérique et à l’inspiration plus foisonnante que jamais, amplement capable de réaliser avec les plus beaux fleurons des labels Hymen Records ou Tympanik Audio.