David Sylvian continue d’avancer

En 2009, David Sylvian faisait son grand retour sur album, 6 ans après le fascinant Blemish dont on n’avait toujours pas fini d’épuiser tous les recoins blafards. S’adjoignant à nouveau les services de l’Autrichien Christian Fennesz entre autres têtes chercheuses d’une instrumentation évanescente et déconstruite, du saxophoniste Evan Parker au pianiste John Tilbury en passant par Otomo Yoshihide aux platines ou Toshimaru Nakamura aux bidouillages de console de mixage, le dandy anglais avait mis la barre tout aussi haut avec Manafon, dans une veine légèrement moins anxiogène qui continue d’ensorceler les amoureux d’improvisations ambient épurées et spacieuses.

Un album-monde en somme, que Sylvian lui-même semble n’avoir pas terminé de cartographier, puisque Died In The Wool, son nouvel opus disponible au téléchargement depuis le début de semaine via Samadhisound en attendant sa sortie lundi en CD, présente pas moins de six variations autour de titres issus de Manafon, complétées de sept compositions inédites.

Enregistré avec le jeune compositeur Dai Fujikura, protégé de Pierre Boulez, pour qui Sylvian possède tout simplement "la plus belle voix au monde" (et on se saurait le contredire), le producteur norvégien Jan Bang - auteur l’an dernier du superbe … And Poppies From Kandahar sur le label de l’Anglais, auquel participaient quelques-unes des plus grandes figures de l’ambient-jazz du cru telles que Sidsel Endresen ou Arve Henriksen de Supersilent - ou encore Erik Honoré, moitié du duo Punkt avec le même Jan Bang, Died In The Wool développe sur près de 75 minutes de nouvelles pistes d’expérimentations sur les harmonies orchestrales ou les samples électroniquement modifiés, utilisant notamment des enregistrements d’un concert de Skúli Sverrisson sur son titre éponyme.

"L’album terminé apparaît remarquablement homogène, surtout au regard de la façon dont il a été produit", remarque Honoré. "La principale raison de cette cohérence est probablement le choix des musiciens et arrangeurs dont les talents ont parfaitement fusionné, permettant aux idées des un et des autres de se développer de façon organique". Sylvian, maître d’oeuvre de cette synergie, rappelant quant à lui qu’il n’a "jamais travaillé d’un point de vue purement intellectuel, ce sont l’instinct et l’émotion qui me guident, et en conséquence tous les éléments que vous pouvez entendre ici sont toujours au service de la vérité émotionnelle du morceau", ajoutant que Died In The Wool constitue "le travail le plus émotionnellement intense" qu’il ait produit ces 8 dernières années.

Un aveu confirmé par le mélancolique I Should Not Dare, l’un des deux titres de l’album sur lequel Sylvian délaisse pour la première fois le songwriting au profit d’une adaptation de poèmes d’Emily Dickinson, et auquel collaborent Jan Bang ainsi que Fennesz* à la guitare préparée, sur fond de claviers enregistrés live par Ståle Storløkken de Supersilent pour un résultat étonnamment limpide et romantique, tranchant avec les abstractions plus atonales auquel l’Anglais nous avait habitués sur ses derniers albums :

I Should Not Dare by Samadhisound


A noter enfin qu’un second CD présentera en stéréo l’installation audio When We Return You Won’t Recognise Us, fruit d’une collaboration entre Sylvian et un groupe d’improvisateurs formé d’Arve Henriksen, John Butcher, Günter Müller, Eddie Prévost et Toshimaru Nakamura, avec la participation d’un sextette à cordes dirigé dans cette même optique d’improvisation par Dai Fujikura. Inspirée d’une étude sur la persistance du patrimoine génétique aborigène aux îles Canaries, cette pièce commissionnée en 2008 pour la Biennale de l’archipel espagnol sera réinterprétée lors du prochain Punkt Festival organisé tous les ans par Jan Bang en Norvège, avec une dimension visuelle inédite.


* Fennesz dont le nouvel EP Seven Stars verra le jour le 5 juillet chez Touch en vinyle, puis en septembre en CD.

News - 28.05.2011 par RabbitInYourHeadlights
 



On s’attendait à plus facile d’accès qu’un Blemish, or il semblerait que Died In The Wool en écoute ici s’inscrive dans la pleine continuité de ses deux prédécesseurs : aussi majestueux qu’étouffant dans ses passages les plus orchestrés comme dans les plus dépouillés, avec la voix surnaturelle de l’Anglais comme bouée de sauvetage quand elle n’apparaît (...)