On comptait prendre notre temps pour vous l’annoncer en bonne et due forme ce septième opus du Brésilien, pour revenir même sur l’excellent remix album de sa BO du jeu vidéo Splinter Cell : Chaos Theory sorti plus tôt dans l’année avec du beau monde de la nouvelle génération Ninja Tune, en attendant la prochaine réalisation de son projet hip-hop Two Fingers également prévue pour le courant de 2011... et finalement on ne sait pas vraiment si l’on doit être content ou pas de changer nos plans pour vous proposer cette écoute d’ ISAM en intégralité plus d’un mois avant sa sortie officielle en CD.

Car si le musicien lui-même a décidé de révéler le successeur de Foley Room via Soundcloud et d’en avancer la date de téléchargement au 19 avril en accord avec le label anglais, c’est une fois de plus pour une sombre histoire de leak. "Essayer dans la mesure du possible de protéger les enregistrements de nos artistes jusqu’à ce qu’ils soient prêts à voir la lumière du jour, mettre en place d’excitantes campagnes promotionnelles pour donner à cette musique en laquelle nous croyons toute l’exposition qu’elle mérite, auprès de la plus large audience possible en dépit d’un budget souvent réduit, et vendre suffisamment de disques pour que les choses puissent continuer dans cette voie, certaines personnes ne parviennent tout simplement pas à comprendre l’intérêt de tout ça", déplore-t-on ainsi du côté de Ninja Tune.

Et à découvrir le résultat, cet étrange corps organique en constante expansion né dans la continuité de son prédécesseur d’une large palette de field recordings et autres samples indéfinissables (y compris de sa propre musique sur un Kitty Cat recomposant de toute évidence le puissant Esther’s) mais synthétisés cette fois pour être joués par de véritables instruments de la façon la plus naturelle possible, on ne peut que regretter cette dématérialisation forcée, malgré quatre ans d’attente et tout le plaisir que l’on peut éprouver à s’immerger dès aujourd’hui dans ces denses abstractions psychédéliques abolissant les dernières frontières entre les expérimentations de la musique concrète et celles des courants électroniques modernes (de l’IDM au dubstep en passant par l’ambient), au sein desquelles apparaît pour la toute première fois la voix du musicien, "transformée en quelque chose de nouveau" selon ses propres dires, de presque féminin parfois.

L’aboutissement d’une ambition pour Amon Tobin de "contrôler la nature" qui se sera malheureusement heurtée au plus incontrôlable des travers humains, l’égocentrisme.