lufdbf - One
A l’image du nom de ce duo bisontin, le premier album de lufdbf pourra d’abord sembler quelque peu hermétique. Mais à la façon dont on parvient finalement, renseignements pris, à décoder le mystérieux accolement des initiales de Thierry Lorée (compositeur, multi-instrumentiste, arrangeur, producteur) et Fred Debief (auteur, chanteur, arrangeur), ou du moins de leurs identités musicales Larsen Urbain et fdbf, One ne demande qu’à nous laisser entrer dans leur univers de blues synthétique dont l’apparence de narration distante et de froideur minimaliste cachent un abîme de bleus à l’âme.
1. Black Color
2. ...est un autre jour
3. Something
4. Oubli
5. Nine Hundred Miles
6. Monde
7. The Waking
8. Hollow Men
9. Eating Poetry
10. On revient sur ses pas
Un album difficile à cerner tant l’atmosphère y prévaut sur quelque style que ce soit, et strictement impossible à réduire à quelque somme d’influences, ici particulièrement disparates et tout juste bonnes à vous donner une vague idée de l’étrange et inquiétante ballade introspective qui vous attend à battre le pavé froid de quelque bas-fond gothique à la lueur vacillante des réverbères. On pourrait citer ainsi le Beck des tout débuts pour ce flow nonchalant d’entrée de jeu sur beat hip-hop discoïde et synthé lo-fi (Black Color), ou pourquoi pas Jon Spencer dont le blues saturé au groove rampant exploré en son temps sur Acme trouve un écho à sa mesure sur Nine Hundred Miles dont la scansion erratique en anglais n’est pas sans évoquer celle du New-Yorkais. Quant au gothic rock hypnotique de Bauhaus ou surtout de Love And Rockets dont l’ombre de la veine plus bluesy plane sur ces ambiances aussi glauques que feutrées, c’est en guise de bonus que le duo nous offre sa version de No Words No More signé par ces derniers :
Le minimaliste faussement cold et la puissance d’évocation des Young Marble Giants ont également laissé des traces, tout comme la dynamique bipolaire des Pixies et son alternance d’indolence squelettique et de déferlement électrique sur ...est un autre jour dont la narration apathique en français révèle une poésie toute littéraire. Un goût pour les mots et leurs sonorités que l’on prendra même à jouer sur le terrain de feu Alain (Bashung), rien de moins, mais un Bashung qui aurait bouffé Black Sifichi au petit déjeuner avant de le régurgiter le temps d’un titre Monde aux beats sombres, basses pesantes et claviers crépusculaires à souhait. Car les mutations synthétiques de Rodolphe Burger ne sont pas non plus tombées dans l’Oubli, pas plus que Gainsbourg d’ailleurs à en juger par les allégories capiteuses de cette ode opiacée à l’abandon de soi.
Toutefois, qu’il s’agisse des dissonances drone émaillant un Something aux imprécations d’outre-tombe, des bourrasques doom soufflant sur Hollow Men, du dialogue cinématique entre guitare et contrebasse sur Eating Poetry ou de la valse-hésitation onirique sur boucle jazzy du claustrophobe On revient sur ses pas, lufdbf excelle jusqu’au bout dans l’art de brouiller les pistes pour mieux nous accrocher au fil de son récit philosophique et abstrait. Et lorsque résonnent comme suspendus au dessus des flots de saturation et des beats à la rigidité toute cadavérique, les échos électroniques cristallins de The Waking, c’est toute l’ambivalence de l’album qui se révèle enfin, celle d’un purgatoire nocturne pour son narrateur dont le réveil semble parfois si proche mais demeure pourtant définitivement hors de portée, à l’image de ses souvenirs et aspirations échappées en volutes sans espoir de retour.
A écouter sur Bandcamp et à télécharger librement via le netlabel allemand Kreislauf... sans oublier bien sûr de soutenir les artistes en cas d’affinité.
lufdbf - No Words No More (Love And Rockets cover)
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