The Go ! Team - Rolling Blackouts

Avec son troisième opus, le combo de Brighton continue de rêver mais oublie de nous faire décoller.

1. T.O.R.N.A.D.O. Voir la vidéo The Go ! Team - T.O.R.N.A.D.O.
2. Secretary Song (feat. Satomi Matsuzaki) Voir la vidéo The Go ! Team - Secretary Song (feat. Satomi Matsuzaki)
3. Apollo Throwdown
4. Ready To Go Steady
5. Bust-Out Brigade
6. Buy Nothing Day (feat. Bethany Cosentino) Voir la vidéo The Go ! Team - Buy Nothing Day (feat. Bethany Cosentino)
7. Super Triangle Voir la vidéo The Go ! Team - Super Triangle
8. Voice Yr Choice
9. Yosemite Theme
10. The Running Range
11. Lazy Poltergeist
12. Rolling Blackouts
13. Black Like 8 Track

date de sortie : 31-01-2011 Label : Memphis Industries

On pourra trouver toutes les excuses du monde à Ian Parton et sa bande pour tenter d’expliquer pourquoi la magie ne prend plus avec Rolling Blackouts et c’est vrai qu’il y a de quoi faire. Saturés que nous sommes de noisy pop nostalgico-bubblegum depuis le succès des Best Coast, Wavves et consorts (que The Go ! Team avait semble-t-il anticipé en demandant dès 2009 à Bethany Cosentino de venir poser sa voix sur un Buy Nothing Day entraînant et léger à souhait mais délesté dans le même temps d’à peu près tout ce qui faisait la singularité et la force du groupe), la candeur édulcorée distillée par Ready To Go Steady - ou même Apollo Throwdown sous ses empilements soul/hip-hop toujours foisonnants mais inhabituellement centrés sur la mélodie - ne pouvait manquer de nous donner cet arrière-goût d’ersatz forcément agaçant, et seule Satomi de Deerhoof parvient à emporter le morceau (de sucre) en secrétaire rêveuse, laissant libre court à sa folie douce sur un titre dont les mélodies frôlent par deux fois la redite mais dans lequel on se plaît néanmoins à retrouver ces micro-tourbillons de guitares noisy renouant avec une certaine tradition abrasive du groupe à défaut d’en retrouver l’explosivité.

Il faut dire aussi que le premier single T.O.R.N.A.D.O. et son efficacité heavy à la limite du bling-bling (mais que l’on se prendra presque à regretter une fois parvenu au bout de ce Rolling Blackouts en sérieux manque de bollocks) ne nous avait pas préparé à ces douceurs psychédéliques un brin aseptisées et d’autant plus rétro qu’elles n’hésitent pas à fricoter de-ci de-là avec les fanfaronnades d’un marching band façon New Orleans. Pour le moins pantouflard en comparaison des cuivres épiques auxquels le combo nous avait habitués, de l’indépassable Junior Kickstart à Keys To The City, y compris sur l’instrumental Bust-Out Brigade qui échoue à faire oublier le parfait Panther Dash et il en sera malheureusement de même pour Super Triangle, plagiat sans saveur de la face-B We Listen Everyday.

Mais arrêtons les frais, car la vérité est ailleurs, et autrement plus évidente. D’abord née de l’inspiration solitaire et de l’imaginaire singulier de son guitariste et producteur, la musique de The Go ! Team véhiculait sur le merveilleux Thunder, Lightning, Strike ce goût du collage exalté, de l’hommage passionné, du bricolage imparfait mais d’autant plus touchant d’un Ian Parton encore capable de se jeter à coeur perdu dans ses compositions, d’oser les mélanges les plus explosifs, de laisser libre cours à ses envies de lyrisme en cinémascope sans avoir à s’inquiéter de trop déborder du cadre pour pouvoir transposer son univers en concert ou l’imposer aux attentes formatées de la critique. On se souvient notamment des performances scéniques un peu brouillonnes et donc relativement décevantes des Bottle Rocket ou Everyone’s A VIP To Someone à l’équilibre trop parfait sur album lors de la tournée Proof Of Youth, où la magie et l’émotion ne prenaient plus tout à fait mais quelle importance puisque le groupe s’y donnait corps et âme dans un déluge de ferveur et d’énergie forcément communicatives.

Quoi qu’il en soit, construit comme une tranche d’existence aux chapitres emboîtés, le disque avait tout de personnel, urgent, vital même, et on l’avait compris dès l’interview obtenue de Ian et Ninja à la sortie d’un successeur toujours détonnant mais déjà amputé de cette belle cohérence et d’une partie de sa magie intrinsèque par un travail de composition et d’enregistrement devenu collégial, les choses ne seraient plus jamais les mêmes sachant qu’il fallait désormais tenir compte des envies de chacun. Car Parton, malheureusement, n’est pas Brian Wilson et sur Rolling Blackouts c’est le souffle de l’ensemble qui vient finalement à s’en ressentir, voire même jusqu’à cette énergie caractéristique de la musique du groupe, sacrifiée sur l’autel de la collectivité et d’un songwriting devenu tellement prépondérant qu’il en perd lui-même de sa spontanéité, malgré quelques hymnes immanquablement efficaces tels que le titre éponyme ou le Back Like 8 Track final.

Au moins ne pourra-t-on pas reprocher aux Anglais de se reposer sur leurs acquis avec un album aux inspirations finalement tout aussi variées qu’à l’accoutumée, mais à entendre Voice Yr Choice croisant avec une certaine malice Stevie Wonder et MIA, les choeurs à la Morricone du très bon The Running Range où subsistent les dernières traces de cette fameuse dimension épique en voie de disparition ou la chevauchée folky d’un Yosemite Theme convoquant le Macadam Cowboy de feu John Barry dans la droite lignée d’Everyone’s A VIP To Someone, c’est pourtant bien dans ses vieux pots que le groupe avait tous les ingrédients nécessaires à notre bonheur, voire même encore un peu de cette sauce pop moderne épicée à la culture mashup et capable de les faire tenir tous ensemble.

De fait, si le résultat pourra paraître en toute sincérité tout ce qu’il y a de plus frais, radieux et enjoué à l’oreille du néophyte qui ne manquera pas de faire remarquer que jamais The Go ! Team n’avait autant privilégié l’instrumentation live en phase d’enregistrement, tout comme on aurait sans doute pu goûter avec un certain plaisir aux charmes périssables des plus sirupeuses de ces chansonnettes de la part de quelque newcomer californien sans prétention, force est de constater que c’est l’amertume qui domine tant on attendait bien mieux et surtout autre chose d’un groupe qui continue de se faire plaisir mais semble avoir laissé pour de bon son ambition au placard, aussi paradoxal que cela puisse paraître au regard du travail plus titanesque et subtil que jamais accompli par la fine équipe du côté de la production et des arrangements. Un coup dans l’eau ? A moins qu’il ne s’agisse tout simplement d’atténuer un évident essoufflement, Ian Parton venant de laisser entendre à la BBC que ce pourrait être le dernier opus du groupe...

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