Deerhunter - Halcyon Digest
Depuis l’annonce d’un nouvel album, Deerhunter était attendu pour ainsi dire comme le messie d’une année musicale que l’on pourrait déjà regretter comme assez terne et ennuyeuse (Arcade Fire et The National en figures de proue). Néanmoins, avec de telles espérances, il y a toujours la peur et l’incertitude qui apparaissent parfois quand on découvre un tel objet. Halcyon Digest pourra-t-il ainsi s’avérer à la hauteur de notre attente et illuminer cette fin 2010 ?
1. Earthquake
2. Don’t Cry
3. Revival
4. Sailing
5. Memory Boy
6. Desire Lines
7. Basement Scene
8. Helicopter
9. Fountain Stairs
10. Coronado
11. He Would Have Laughed
Si l’on revient deux ans en arrière, il y a eu un miracle avec Microcastle / Weird Era Continued, double album labyrinthique et passionnant qui a su, avec le temps, convertir de plus en plus de fidèles. Ce n’était pas la première révélation puisque Cryptograms laissait envisager derrière ses expérimentations la grâce mélodique et singulière du quintet de Brooklyn. Et plus récemment, quelques semaines en arrière, la découverte de Helicopter, single annonciateur de Halcyon Digest, a suscité grand enthousiasme. A travers ce morceau élégiaque et ascensionnel, Bradford Cox paraît se révéler comme il ne l’a jamais fait. Serein et apaisé, il s’ouvre et laisse sa timidité loin derrière lui, ne cachant plus sa voix derrière les réverbérations habituelles pour nous inviter à le suivre dès ses premiers mots "Take my hand and pray with me" afin de s’échapper de ce monde tourbillonnant et obscur. A l’écoute d’un tel titre, l’espoir d’un nouveau miracle avec ce quatrième album était plus que permis.
Dès le premier coup d’œil, la pochette en noir et blanc de l’objet tant attendu, une fois entre les mains, parvient à entretenir cet espoir. Une naine en robe blanche semble se recueillir et attendre, les mains jointes, le regard levé, la lumière dans la pénombre. A l’évidence, ce personnage paraît tout droit sorti d’un rêve ou d’un film de David Lynch, et laisse deviner ce qui attend l’auditeur pour la suite de l’initiation dans ce monde partagé entre rêve et réalité, un monde mystérieux qui s’ouvre lentement sous nos pieds avec Earthquake, splendide entrée en matière. Au fur et à mesure de ce songe vaporeux et éphémère, emmené par une voix pouvant rappeler par moments les psaumes de Thom Yorke, il est difficile de ne pas se laisser emporter par cette rythmique étirée et lancinante, imaginée par la tête pensante d’Atlas Sound dont on retrouve parfaitement l’esprit et la magie innocente.
Alors que cette ouverture préfigurait un univers de rêveries vaporeuses et mélancoliques, l’auditeur revient à la surface, sur la terre ferme et découvre de manière étonnante un ciel ensoleillé et radieux lorsqu’apparaissent Don’t Cry et Revival, deux ballades psyché-noisy-pop rayonnantes et pleines d’espérance. Et pourtant celles-ci ne sont pas si surprenantes que cela lorsque l’on connaît le précédent et précieux EP Rainwater Cassette Exchange qui laissait déjà présager de cette nouvelle direction dans l’aventure de Deerhunter. Après ce début plus que prometteur et rassurant, il est étrange de retrouver Sailing qui vient obscurcir et ce de manière imprévisible ce sentiment de renaissance et de foi retrouvée. Il ne s’agit finalement pas d’un mauvais titre en soi, mais il plonge l’album dans une certaine torpeur qu’on peut lui reprocher d’autant plus que la luminosité aperçue et inespérée aura du mal à revenir au premier plan, même avec l’entraînant et efficace Memory Boy. Après cette sensation pour ainsi dire troublante, l’opus peut retrouver de l’allant avec Desire Lines et son introduction empruntée à Arcade Fire qui dévoile un groupe libéré et sûr de son fait, affirmant au passage que les rêves d’adolescence et d’évasion ne doivent être en aucun cas oubliés et abandonnés.
A la suite de l’agréable et doucereuse Basement Scene et du sublime Helicopter déjà évoqué précédemment et qui est assurément l’un des meilleurs titres de Bradford Cox, la fin se montre enlevée et colorée avec notamment l’apparition d’un saxophone sur les remarquables Fountain Stairs et Coronado qui permettent de rapprocher Jesus & Mary Chain et Morphine avec une rare évidence. Finalement, l’apothéose arrive avec He Would Have Laughed, superbe et vibrant hommage à Jimmy Lee Lindsey Jr (plus connu sous le nom de Jay Reatard), morceau dont les différentes strates scintillent et resplendissent durant 7 min 30 et qui se termine de manière sèche et impromptue, il n’y pas besoin d’en dire plus.
Bien que la première approche de Halcyon Digest semble déconcertante de par sa forme, la suite rassure, le groupe n’ayant pas perdu son aura et s’avérant toujours capable de titres tout aussi resplendissants les uns que les autres. Cet album, même s’il paraît plus accessible et immédiat, ne se dévoile toutefois pas aussi facilement qu’on pouvait se l’imaginer. Chaque écoute permet de croire et d’apercevoir une lumière tamisée et délicate, à chaque fois, de plus en plus éclatante. Et pourtant, on peut déjà l’affirmer, le miracle d’un deuxième Microcastle à l’équilibre parfait n’aura pas lieu, une apparition de ce genre ne peut se produire qu’une fois, il ne fallait pas s’y attendre. Par contre, Deerhunter a su réaliser un deuxième miracle, cette fois différent dans sa nature, avec tout le talent et la facilité qu’on lui connaît. Il serait difficile de lui en vouloir d’évoluer dans cette nouvelle voie, bien moins escarpée qu’auparavant. Et même si cet album ne touche pas encore à la consécration, le groupe n’est pas loin de l’atteindre lorsque l’on voit son parcours et son œuvre déjà impressionnante.
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