Valgeir Sigurðsson - Ekvílibríum
Le magicien islandais Valgeir Sigurðsson sort de l’ombre de ses prestigieuses productions pour Björk, Múm ou Bonnie ’Prince’ Billy et tente d’apaiser les maux de notre triste monde avec un premier album d’électronica atmosphérique et tourbillonnante aux arrangements enchanteurs, les pieds dans la neige et la tête dans les nuages.
1. A Symmetry
2. Evolution Of Waters (feat. Bonnie ’Prince’ Billy)
3. Focal Point
4. Baby Architect (feat. Greg Walker)
5. After Four
6. Winter Sleep (feat. Dawn McCarthy)
7. Equilibrium Is Restored
8. Before Nine
9. Kin (feat. Bonnie ’Prince’ Billy)
10. Lungs, For Merrilee
Premier album de l’un des producteurs les plus discrets et importants de ces dix dernières années, Ekvílibríum prouve s’il en était encore besoin que l’islandais Valgeir Sigurðsson, grand manitou des Greenhouse Studios, ne s’était pas contenté d’apporter un regard extérieur à ces chef-d’oeuvres que sont Vespertine de Björk (qu’il assiste dans l’ombre depuis les débuts de l’enregistrement de SelmaSongs il y près de dix ans déjà), Finally We Are No One de Múm ou encore The Letting Go de Bonnie ’Prince’ Billy (en attendant peut-être le troisième opus - en plus de 37 ans ! - de la revenante du folk anglais, Vashti Bunyan), pas plus qu’au premier album de Maps, We Can Create, qui nous a tellement enthousiasmés cette année. Non, ces albums, il a contribué à les forger, les a nourris de la magie paradoxale de ses programmations chirurgicales et dyslexiques, de l’ampleur de son univers de cathédrales rocheuses et de paysages intérieurs dessinés au laptop, de cet amour des grands espaces oniriques qui éclate aujourd’hui "au grand jour" (enfin, façon de parler) avec cette petite merveille d’électronica luxuriante et atmosphérique.
C’est ainsi en toute logique que les instrumentaux A Symmetry et Focal Point, avec leurs craquements de pas dans la neige et leurs envolées de harpe (sonorités que l’on retrouvera tout au long de l’album) semblent tout droit sortis de Vespertine (on pensera plus loin à la facette la plus ambiante de Múm avec l’analogique After Four), tandis que le magique Evolution Of Waters, habité par la douce ferveur du timbre fragile de Will Oldham, rappellerait presque la collaboration du Prince de la folk avec l’islandaise sur le magnifique Gratitude d’ouverture de sa BO inégale pour Drawing Restraint 9, le lyrisme des cordes et le maximalisme électro en plus.
Car l’univers sonore de Valgeir Sigurðsson est des plus luxuriants, nourris d’arrangements de cuivres évanescents, de piano en apesanteur ou de cordes tourbillonnantes. Une guitare acoustique ouvre même Baby Architect, avant que la voix électroniquement modifiée, proche de celle d’un Jim O’Rourke, de l’australien Greg Walker aka Machine Translations (projet folk particulièrement prometteur derrière lequel il se cache sous le pseudo de J.Walker) ne vienne se poser et rappeler en douceur les expérimentations vocales de Kid A ou d’ Ágætis Byrjun. Plus loin, c’est celle de Dawn McCarthy, l’âme torturée de Faun Fables déjà croisée au côté du même Will Oldham l’an dernier sur le sus-nommé The Letting Go, qui viendra se fondre dans les programmations électro du mélancolique Winter Sleep, au milieu des cuivres majestueux et des percussions cristallines.
Equilibrium Is Restored, morceau ambient de plus de 8 minutes, tendra ensuite vers le plus grand apaisement, cet équilibre restauré du titre. Avec ses cuivres impressionnistes et ses percussions caressées par la brise, cette épopée silencieuse rappelle Hector Zazou et ses Chansons des mers froides (on se souvient d’ailleurs du merveilleux Vísur Vatnsenda-Rósu chantée par Björk sur cet album sorti en 1994). Before Nine semble en prendre la suite, avant que la clarté de ses cordes à la Joe Hisaishi, poignantes mais tout en retenue, ne marque l’enchaînement de cette courte transition instrumentale avec Kin, seconde chanson enchanteresse interprétée par Bonnie ’Prince’ Billy. Un véritable rêve éveillé dans lequel le ballet de piano, de percussions et de cordes se met au diapason de cette candeur qui sait si bien surgir de la voix pourtant rêche de Will Oldham.
Ekvílibríum se termine sur un dernier instrumental, Lungs, For Merrilee : un morceau faussement ambient, dont le piano impressionniste et les vibratos de guitare à la Sigur Rós vont crescendo jusqu’à un final à la fois vibrant et apaisé. Un véritable appel à la vie, auquel même les plus mélancoliques d’entre nous ne pourront manquer de répondre au sortir de cet album débordant de foi et d’espoir, reflet d’un avenir plein de possibilités. En 2012, le monde sera sans doute plus loin que jamais d’être parfait, mais qui sait, peut-être que le nom de Valgeir Sigurðsson sera sur toutes les lèvres... et dans tous les coeurs ? Ce serait là un premier pas rêvé vers l’équilibre.
Baby Architect, extrait d’ Ekvílibríum, est en écoute sur la page myspace de Valgeir Sigurðsson.
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