Massive Attack - Heligoland
Un avis de fan rongé par la fébrilité et un regard neuf mais tout aussi acéré, il n’en fallait pas plus pour alimenter un débat déjà bien entamé sur notre forum. Alors, sept ans d’attente, ça valait le coup ?
1. Pray For Rain (feat. Tunde Adebimpe)
2. Babel (feat. Martina Topley-Bird)
3. Splitting The Atom (feat. Horace Andy)
4. Girl I Love You (feat. Horace Andy)
5. Psyche (feat. Martina Topley-Bird)
6. Flat Of The Blade (feat. Guy Garvey)
7. Paradise Circus (feat. Hope Sandoval)
8. Rush Minute
9. Saturday Come Slow (feat. Damon Albarn)
10. Atlas Air
Heligoland n’a pas fini de diviser les admirateurs du duo de Bristol. En effet, et c’est peut-être par là qu’il faut commencer pour parler de cet album, Massive Attack y forme bel et bien un duo, contrairement à l’opus précédent où le seul 3D était aux manettes épaulé par le producteur Neil Davidge. Pour cette cinquième réalisation si longtemps anticipée, Daddy G fait donc son grand retour, douze ans après Mezzanine , aux commandes de l’une des plus passionnantes formations de ces vingt dernières années.
Mais parlons du disque, puisque c’est bien là l’essentiel. Tout d’abord, un sentiment se dégage après une première écoute : les expérimentations sont plus discrètes, l’orientation est plus pop. Les basses sont absentes ou très en retrait, et c’est sans doute l’un des paramètres à l’origine de ce constat. En outre, de nombreux guests sont venus poser leur voix (Damon Albarn, Tunde Adebimpe de TV On The Radio, Hope Sandoval, Martina Topley-Bird, Guy Garvey d’Elbow et comme toujours, Horace Andy), ce qui aurait tendance à limiter la cohérence de l’album. En bref, Massive Attack qui se donne un côté pop, qui multiplie les guests (dont certains sentent le coup marketing à plein nez, Damon Albarn en tête), un coup d’épée dans l’eau ?
Le résultat, au final, est pourtant surprenant. Au terme de cette première écoute, rien ne semble génial, les mélodies ne restent pas en tête, la déception est logiquement de mise, mais l’envie de reposer la galette sur le mange-CD est intacte. C’est ce sentiment qui perdurera au fil des écoutes, chaque morceau dévoilant sa beauté et le travail accompli sur les arrangements. Certains titres peuvent même prétendre à entrer au panthéon des plus belles réussites du groupe, au même titre que les Unfinished Sympathy, Karmacoma, Risingson ou Antistar.
On retiendra ainsi Girl I Love You, hit en puissance avec Horace Andy bonifiant encore si c’était possible le funk composé pour l’occasion par la paire Daddy G/3D qui clôt le morceau sur des expérimentations jazzy. Ou encore Paradise Circus, ballade simpliste mais ô combien émouvante sur laquelle la voix d’Hope Sandoval prend tout son sens. Il serait injuste de dégager d’autres chansons que ces deux-là, seules à incarner le génie lorsque les autres le tutoient seulement.
Au jeu de l’énumération des titres, Splitting The Atom et Pray For Rain ne sont pas des surprises puisque déjà présents sur l’EP sorti il y a quelques mois. On mentionnera évidemment la mélancolie de Saturday Come Slow, avec un Damon Albarn touchant comme il l’a rarement été, ou Atlas Air (connu sous le nom de Marakesh durant la dernière tournée du groupe), agressif et tout en changements de rythmes mais parfaitement maîtrisé.
Enfin, n’oublions pas Rush Minute et ses ambiances convoquant l’angoisse de Mezzanine, ou le groove hypnotisant de Babel où Martina Topley-Bird tient son rang, bien davantage que sur Psyche, peu aidée il est vrai par le manque d’inspiration du seul titre décevant de cet album (avec peut-être le suivant, Flat Of The Blade, intéressant mais longuet).
Pour résumer, un accent pop, des guests à la mode (Damon Albarn et Tunde Adebimpe notamment), un marketing proche de la manœuvre commerciale (le même disque avec des pochettes de diverses couleurs pour piéger les fans collectionneurs, ou quand Massive Attack imite Michael Jackson, on s’en serait volontiers passé), finalement, tout était fait pour que ce disque soit un gros flop. Seul son contenu le sauve, et haut la main. C’est bien tout ce qu’on lui demandait.
(Elnorton)
Après le labyrinthe mental et schizophrène de l’inépuisable 100th Window où 3D nous perdait entre ses parts de ténèbres et de divin au fil de compos évanescentes se mouvant aux rythmes croisés des cascades de programmations électroniques, Heligoland, en lieu et place du nouvel ego trip annoncé (rappelons qu’Heligoland = Hell-Ego-Land selon le groupe) surprend d’emblée en apparaissant comme un album de concessions : à la pop, au dubstep cher à Daddy G qui signe un retour attendu près de 12 ans après Mezzanine, aux chanteurs invités enfin qui marquent tous l’album de leur empreinte avec des morceaux centrés pour la première fois sur les mélodies vocales.
Au lieu d’avoir un temps d’avance comme avec chacun de leurs précédents opus, les bristoliens s’inscrivent ainsi dans leur époque, dans son immédiateté et son éclatement, mais perdent au passage ce qui faisait tout le prix de leur musique, avec des morceaux étonnamment unidimensionnels qui malgré toutes les subtilités d’une production finement ciselée par 3D et Neil Davidge ne gagnent plus en profondeur à chaque écoute.
Alors certes Pray For Rain est un monument de soul gothique en clair-obscur et surprend avec son break house presque hédoniste, tandis que le milieu d’album assure, entre un Girl I Love You condensant en 5 minutes toutes les abysses et la tension de Mezzanine, le majestueux et glitchy Flat Of The Blade où un Guy Garvey magnifiquement serein fait merveille (peut-être le morceau le plus proche de ce que l’on pouvait espérer après 100th Window ) et surtout l’impressionniste Paradise Circus avec son refrain déchirant digne de la BO de Danny The Dog, illuminé par le chant juste et dépouillé d’Hope Sandoval. Mais Splitting The Atom apparaît bien trop linéaire tout comme Psyche, Damon Albarn n’est pas à la hauteur des autres participants sur un Saturday Come Slow touchant mais gentillet et Atlas Air déçoit, bien loin du déchaînement scénique de Marakesh.
Autant dire qu’après autant d’années à espérer un nouvel Everest, et malgré la paradoxale cohérence dont l’album parvient finalement à faire preuve, c’est la déception et même une certaine amertume qui l’emportent. La fin d’une époque ?
(RabbitInYourHeadlights)
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