5 ans déjà (et notre chronique de son premier album 輪迴) que l’on suit Sabiwa, invitation à l’appui à notre Sulfure Festival 2019 pour un live audiovisuel de toute beauté avec un flûtiste en musicien additionnel et une impro surprise avec Vitor Joaquim, Witxes et Blackthread, autant dire que cela nous donne une certaine fierté de la voir aujourd’hui se faire une place de choix sur l’excellent label britannique Phantom Limb, au côté d’expérimentateurs reconnus tels que Richard Skelton, Machinefabriek ou Hekla auxquels la musicienne taiwanaise n’a déjà plus grand chose à envier.

Après DaBa, second long-format plus futuriste et déstructuré, puis le très mutant et glitchy Tomorrow You Said Yesterday à quatre mains avec le compère Queimada (coproducteur de ce nouvel opus), et enfin la réinvention collaborative d’une bande originale de film d’animation horrifique japonais des 70s, The Demon, première sortie chez Phantom Limb en 2021, la Berlinoise d’adoption renoue sur Island no​.​16 - Memories of Future Landscapes avec l’univers plus atmosphérique et mystique de son premier opus, fait de percussions rituelles captées comme des field recordings et autres instruments traditionnels taiwanais discrètement remodelés en bande-son imaginaire de musique concrète, sur fond de vocalises minimalistes et inquiétantes, de la comptine atonale au murmure ou même au grunt.

Entre ambient transcendantale et abstraction électronique (du chant manipulé de Pupa aux séismes de saturations et de basses fréquences du final Hermaphrodite, puzzle baroque au séquençage vocal étrangement déshumanisé), psychédélisme électro-acoustique et bruitisme zornien (Dog Smells Your Future évoque presque Moonchild et les onomatopées névrotiques de Mike Patton), le disque sonne comme un rêve réveillé, ou plutôt, comme son titre le laisse imaginer, le rituel de réveil d’une mémoire enfouie (cf. le crescendo incantatoire de Christal), celle de shamans qui sait dont les visions du futur ne se seraient jamais vraiment réalisées. Immersif et fascinant.