Onry Ozzborn - Hold On For Dear Life
Septième album d’Onry Ozzborn (et peut-être le dernier ?), Hold On For Dear Life multiplie les ambiances et brouille les pistes. À la fois électronique et fondamentalement hip-hop avec quelques accents pop aussi, cet opus est une réussite et sans conteste son meilleur album à ce jour.
1. Michael Admires You (feat. Sapient)
2. The O.O.
3. All To Herself (feat. Reva DeVito)
4. The Getaway Car
5. That Good (feat. Sapient)
6. Way Out (feat. Maggie Morrison)
7. Best Of All Time
8. Electric Dreams (feat. Thaddeus of SOTA & Tilson)
9. Limbo Thus Purgatory (feat. Xperience)
10. Daughters
11. Hold Up
12. Nightlife (feat. Candidt)
13. N.W.A List (feat. PeeGee 13, Candidt & IAME of Sandpeople)
14. Hold On For Dear Life
15. Blend In
16. I Give Up
17. Fake Four
De prime abord, Hold On For Dear Life m’a un peu déstabilisé. Oh, pas énormément mais certaines petites choses m’ont chiffonné ou même agacé : les chœurs un peu complaisants de Maggie Morrison qui viennent clore Way Out par exemple ou encore l’introduction, voire toute la première moitié de Limbo Thus Purgatory. Et concernant les disques d’Onry Ozzborn, c’est un peu une première. Toutefois, il ne s’agit-là que d’impressions à chaud car une fois passée cette première écoute légèrement déstabilisante, toutes les autres aboutissent au même constat : il s’agit d’un très bon album, voire même plus.
Certes, des choses peuvent agacer donc, en revanche, on retrouve aussi l’une des caractéristiques du travail d’Onry Ozzborn, le rendant si passionnant : la diversité. Une diversité qui se décline à tous les niveaux, que ce soit dans la pléthore de collaborateurs invités à poser leur voix ou à produire les morceaux, dans le flow véritablement insaisissable d’Onry Ozzborn - parfois incisif, parfois décontracté et même délaissé au profit du chant sur certains passages - ou dans la grande variété d’ambiances déclinées tout au long de ces dix-sept titres. Et, allons un petit peu plus loin, Hold On For Dear Life amène même une question à laquelle les écoutes répétées n’apportent pas vraiment de réponse : qui est donc Onry Ozzborn ? C’est que cet opus touche à une telle multitude de styles, son relief est si varié qu’il est bien difficile d’en faire le tour ou même d’en voir rapidement la cohérence. L’entame de l’album permet aisément d’illustrer le propos, ses quatre premiers titres partent tous dans des directions différentes, voire opposées, bien qu’il s’agisse de hip-hop à chaque fois. La production de Sapient (étoile montante de Portland qui vient de signer chez Camo Bear, le label de Josh Martinez, le monde est petit !) en ouverture, mêlant dans le même temps un piano répétitif à une batterie sèche et le flow du MC à un sample vocal pour un résultat simple mais vraiment efficace tranche avec l’exercice bien plus old school The O.O. au Boom Bap revisité, très représentatif du groove fétard de Bean One (qui, lui, vient de Seattle). All To Herself est quant à lui plus mélancolique, dans la mouvance de ce que le crew Oldominion produit habituellement et c’est d’ailleurs Smoke M2D6 qui œuvre derrière le MC cette fois-ci. Puis vient le premier moment fort de ce disque, le magnifique The Getaway Car. On en doit la production à Budo (multi-instrumentiste de Brooklyn, très actif au sein de la scène hip-hop du Nord Ouest des États-Unis) et celle-ci est exceptionnelle : une pulsation synthétique rehaussée de lignes de basse directes pour un résultat tranquille, posé et simplement beau, pas si éloigné dans sa forme du monumental IDC qui illuminait le Dialogue de Thavius Beck. Un morceau qui domine l’album de toute sa grande classe et à l’issue duquel on se dit qu’il va être difficile de faire mieux. Mais on a tort, car à partir de ce quatrième titre, non, ce n’est jamais mieux mais, oui, l’album se maintient à ce niveau stratosphérique que ses trois titres d’ouverture ne pouvaient laisser présager. Du grand art, même dans les moments les plus incertains comme l’épisode Limbo Thus Purgatory qui voit Onry Ozzborn endosser un costume de crooner avant de torpiller le morceau à sa moitié et l’envoyer dans les limbes électroniques. Une multitude d’univers donc et cette question qui, plus que jamais, affleure : qui est donc Onry Ozzborn ?
Le plus facile est évidemment de faire le point sur ce que l’on sait déjà de lui. Hold On For Dear Life est le septième album officiel d’Onry Ozzborn, de son vrai nom Michael Martinez, MC et producteur fécond, fer de lance du crew Oldominion (collectif regroupant une trentaine d’artistes portés sur les musiques urbaines) et impliqué dans de très nombreux projets tous aussi intéressants les uns que les autres (on se rappelle de l’album des Gigantics qui avait illuminé l’année 2008 mais aussi du duo Grayskul qu’il forme avec JFK ou encore de Dark Time Sunshine qui le lie à Zavala). Hold On For Dear Life sort simultanément avec NO HOAX que l’on peut télécharger librement ici, tous deux bien différents (l’un sonne de façon plus old school et se décline en quatre épisodes de trois morceaux chacun quand l’autre part dans toutes les directions en dix-sept titres) et écrits sur une période de trois ans et enregistrés en même temps, avec la même cohorte d’invités, issus pour la plupart de la nébuleuse Oldominion (Mr. Hill, Smoke M2D6, Nickels Hawkeyeet, Xperience) et se donnant complètement, preuve du respect que leur inspire Onry Ozzborn et preuve aussi de sa créativité. Sa patte est très reconnaissable, son flow protéiforme aime se mouvoir sur des productions souvent ténébreuses (écoutez Die Already des Gigantics) aux soubassements électroniques parfaitement maîtrisés mais qui peuvent également être parfaitement lumineuses (cette fois-ci, furetez plutôt du côté de Dark Time Sunshine et en particulier de Vessel, leur dernier opus en date). Bref, un artiste d’une grande finesse attiré par les carrefours et les ronds-points pourvus que ceux-ci soient à l’origine de multiples routes où se lancer. Et c’est évidemment tout cela que l’on retrouve dans ce disque, le résultat de tous ces projets et collaborations diverses menés depuis plus de dix ans. Dès lors, la variété du disque n’est pas feinte, elle est bien réelle, tout comme sa cohérence, et traduit un parcours qui ne craint pas l’exploration et aime les chemins de traverse. Un parcours qui trouve dans cet album son épiphanie.
Hold On For Dear Life est ainsi à la fois lumineux (Michael Admires You, Best Of All Time, ...) et ténébreux (Hold On For Dear Life, N.W.A. List, ...), mélodique et malicieux (le très intéressant et singulier Electric Dreams), en permanence d’une grande finesse, culminant à de nombreuses reprises à des hauteurs vertigineuses : l’électronique qui soutient l’architecture de Nightlife, les guitares menaçantes, sales et déformées de Hold On For Dear Life, la tranquillité baignée d’une grande mélancolie de I Give Up et je m’arrête là pour ne pas reprendre la tracklist par le menu. Une tracklist originale d’ailleurs puisque s’arrêtant au treizième morceau sur la pochette et continuant à l’intérieur de celle-ci, en rouge sur fond noir, comme s’il s’agissait de bonus : H.O.F.D.L, Blend In, I Give Up et Fake Four (qui n’est qu’une seule phrase), c’est-à-dire précisément les morceaux qui font passer le disque de la case "bon" à la case "monumental". Ces photographies prématurément vieillies qui ornent la pochette de l’album (pour la petite histoire, il s’agit des deux enfants d’Onry Ozzborn) cachent ainsi l’un des disques les plus enthousiasmants dans le genre depuis des lustres, c’est-à-dire quelques mois tout au plus, allez, depuis au moins le parfait The One Man Band Broke Up de Ceschi, big boss de Fake Four Inc., label sur lequel sort Hold On For Dear Life et qui éclabousse encore une fois de toute la majesté de ses quatre doigts le petit monde du hip-hop underground qu’il ne devrait pas tarder à quitter s’il continue à sortir des disques de la sorte. Les recoins et les idées de cet album sont si nombreux que l’on sait déjà que l’on y reviendra un très grand nombre de fois. Beaucoup d’élégance, beaucoup de sincérité. Du talent enfin. Beaucoup aussi.
Et la réponse claque comme une évidence : qui est donc Onry Ozzborn ? Hold On For Dear Life bien évidemment.
Une démonstration.
La vidéo de The O.O. qui n’est, hélas, certainement pas le morceau le plus représentatif de l’album même s’il demeure bon.
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