Les amateurs de post-rock instrumental ne vont pas être déçus par cet album de Lovely Girls Are Blind, même si j’entends déjà les pensées les plus sceptiques de certains. Mais soyez rassurés, il ne s’agit pas ici d’un énième groupe superposant les couches de guitares saturées et / ou planantes comme on en croise (trop) souvent sur Myspace et consorts. Non, le quatuor français joue dans la cour des grands.

Quelques semaines avant sa sortie, le groupe présentait ce premier opus éponyme comme s’étant "un peu radicalisé, que ce soit du côté pop, ou bien du côté métal". Il faut dire que deux années se sont écoulées depuis leur premier EP, et les franciliens ne se sont pas contentés d’une simple version longue de Gennevilliers, aussi bon soit-il.
Alors des côtés plus pop, certes, ce n’est pas Hypo qui nous ferait dire le contraire, ne serait-ce que par son format (environ trois minutes), contrastant pleinement avec d’autres morceaux (comme Chernabog, s’il ne fallait en retenir qu’un), et qui finalement peine à atteindre l’ampleur de l’ensemble de l’album. Chose surprenante, ce titre était l’extrait à découvrir en avant-première et il m’avait bien plus emballé à l’époque. Autant dire que le reste a donc largement satisfait mes attentes et s’est révélé être au-delà même de mes espérances.

C’est donc Chamallow Bibendum 1 qui donne véritablement le ton à cet album qui oscille entre tension retenue et explosions rageuses.
A noter ensuite, Sainte Rita, Franska, Chernabog et Bibendum Chamallow 2 comme autres points d’orgue de ce disque de prime abord spatial et froid. Les titres eux-mêmes renvoient d’ailleurs aux grands espaces nordiques et sibériens. Leur écoute, elle, nous mène sans peine sous les Constellations du Grand Nord canadien. On imagine facilement les réminiscences des complaintes fantômatiques d’Efrim Menuck, avec Godspeed You ! Black Emperor ou plus récemment A Silver Mount Zion dont l’influence sur leurs cousins français dans leurs longues échappées cinématiques et sauvages est non dissimulée. Ce calme oppressant est cependant régulièrement entrecoupé d’explosions soniques, tout droit héritées de Mogwai, dans une moindre mesure, certes...
Sans constituer de réels morceaux, Mies Van Der Rohe, Interlude N° 1 et Interlude N° 2 sont également à relever. Introduction inquiétante pour le premier, ils font la part belle aux claviers rappelant ici M83. Transitions particulièrement bien choisies, ils apparaissent comme de véritables respirations assurant ainsi la fluidité de l’enchaînement des compositions plus conséquentes, rendant l’album homogène et son écoute particulièrement agréable.

Dans son ensemble, Lovely Girls Are Blind n’a donc pas à rougir face à un Rock Action, par exemple. Et avec cette confirmation pour le moins réussie, le groupe entre incontestablement parmi les talents de la scène française à suivre avec intérêt.

L’album ainsi que les EP précédents sont disponibles en téléchargement ou en CD sur le site internet du groupe.