Piano, Philo et (Please) Don’t Blame Mexico

Abordable et décontracté comme à son habitude, Maxime Chamoux, leader de (Please) Don’t Blame Mexico, ne nous a pas fait le coup du sombre héros lors de notre interview jeudi dernier. Un mois après la sortie du nouvel EP du groupe, Michel Foucault EP (lire notre chronique), il était grand temps de causer un peu musique, philo, méthodes de travail, XTC, Factory, Popa Chubby et... Jean-Pierre Foucault.

Rabbit : Tiens, et si tu nous présentais un peu Michel Foucault, pour commencer ? En quoi t’a-t-il influencé pour ce nouvel EP ?

Maxime : J’ai "rencontré" Michel Foucault en prépa, car notre programme était très axé philosophie politique et son discours sur les rapports entre individus, les rapports de force, de domination, de pouvoir, c’est vraiment quelque chose qui m’a frappé, bouleversé et qui, en même temps, était totalement absent de la philosophie telle qu’on nous l’enseignait au lycée. A mon arrivée à Paris, j’étais un peu perdu, j’avais besoin de me raccrocher à quelque chose de fort, à quelque chose qui me renverse. Des choses comme "Il faut défendre la société" font partie de celles que j’emmènerais sur une île déserte, tant c’est passionnant. Quant à son influence sur PDBM, elle est archi-minime. C’est peut-être seulement que j’avais envie de rendre hommage à cette période de ma vie où il m’a vraiment "aidé", et peut-être que le morceau auquel il donne son nom m’inspirait ce genre de sentiment.

Aurélien : Mêmes questions pour Jean-Pierre Foucault ?

Maxime : Jean-Pierre est très important dans notre vie à tous, tout le monde sait à quel point il aide les gens dans "Qui veut gagner des millions". Il a l’air vraiment gentil. C’est toujours très marrant de voir comment il va faire pour mettre le candidat sur les bons rails. Surtout qu’au fil des années, c’est de moins en moins discret...

Aurélien : Bonne réponse, tu franchis le premier palier !

Maxime : Ouais !

Rabbit : C’est ton dernier mot Maxime ?

Maxime : Ça l’est.

Rabbit : Bon allons-y alors, héhé. On retrouve ici les ruptures de ton d’une chanson comme My Friend The Cartesian, qui donnent à l’ensemble de ce nouvel EP une impression de folie douce. Tu nous disais l’an dernier lors de l’interview de Toy Fight que l’absurde avait beaucoup d’importance pour toi... cela a-t-il une incidence directe sur la construction de tes chansons ?

Maxime : Je pense que c’est plus simple que ça. Je crois être malheureusement infoutu d’écrire une chanson simple, avec une structure évidente et des changements d’accords "convenables". J’aimerais vraiment savoir écrire des trucs plus limpides, plus classiques, vraiment, mais pour l’instant, je n’y arrive pas il faut croire. Quant à l’absurde dont je parlais, cela concerne davantage les textes, en fait. Mais peut-être qu’inconsciemment ça affecte mes structures. Peut-être que j’ai des problèmes de concentration...

Rabbit : Cette façon de construire tes chansons, justement, vient-elle entièrement de ton écriture, ou en partie du travail avec les autres membres ? Qu’apportent-ils à l’orientation musicale des chansons, notamment en répétition par exemple ?

Maxime : Quand j’écris les chansons au piano, les structures sont déjà déterminées, je les pense quasi-entièrement. Le travail en groupe fait ressortir ces changements de directions, car il en accentue les dynamiques, il leur donne du contraste. Les répétitions ont aussi pour rôle de soigner les arrangements des chansons, notamment pour la guitare, les choeurs et les parties de batterie, auxquels j’accorde le plus d’attention possible.

Aurélien : De ce côté-là tu possèdes une grande complicité avec Laurent ton guitariste, non ?

Maxime : En fait avec Laurent on ne se connaît que depuis un peu plus d’un an. Je ne connaissais pas très bien eLdIA, j’en avais juste entendu parler. Mais quand j’ai voulu monter un groupe, on me l’a vivement conseillé. Et c’est un euphémisme de dire que j’ai bien fait de suivre ce conseil : c’est tout simplement le meilleur musicien que je connaisse, il est incroyable. Il a vraiment donné une ampleur à PDBM à laquelle je ne m’attendais pas du tout. Il a pris le parti d’avoir un jeu assez noisy, qui tranche avec le côté très pop des morceaux. Il pense et entend la musique comme personne, et c’est en plus la personne la plus drôle que je connaisse. J’ai vraiment de la chance de l’avoir rencontré. En outre ce qu’il fait avec eLdIA ou en solo [sous le pseudonyme de Franz.S VS Lorenzo, NDLR] est franchement génial. C’est quelqu’un que j’admire beaucoup.

Rabbit : Ce qui frappe d’abord en écoutant ton EP par rapport au précédent et surtout par rapport aux démos déjà entendues sur myspace, c’est la qualité de la production. Ainsi, si la folie douce, l’hétérogénéité de construction, les ruptures de ton et la variété d’instrumentation sont toujours là, ta musique a beaucoup gagné en ampleur, en richesse des arrangements (je pense notamment aux cuivres, splendides, sur Michel Foucault (Saved My Life)) et surtout en homogénéité sonore. Ce résultat vient-il avant tout d’un travail effectué à l’enregistrement, ou plutôt à la post-production (mixage, etc...) ?

Maxime : First Aid EP était vraiment enregistré à l’arrache en trois semaines à tout casser. Pour Michel Foucault EP , on s’est tous dit qu’on voulait faire les choses bien, et de façon assez classe. on a donc enregistré batterie-basse-guitare live dans le studio Mellow Workshop de Microbe [la cabine conçue et aménagée par Pierre Begon-Lours et Patrick Woodcock du groupe Mellow au sein de Microbe Studios à Paris, NDLR], c’est ce qui donne déjà la qualité des prises. on a aussi fait le piano là-bas. Et puis on a vraiment passé beaucoup de temps chez Raphaël Ankierman, notre ingé son, à peaufiner les arrangements, les détails. Car il faut dire qu’en un an de temps Raphaël a énormément progressé et c’est largement à lui, aussi, qu’on doit cette évolution au niveau du son. Et puis on avait quelques mois de jeu ensemble, dans le groupe, alors que pour le premier EP nous n’étions ensemble que depuis quelques semaines. J’adore m’occuper des arrangements, les penser chez moi dans mon coin, parsemer le morceau de petits détails qui l’enrichissent. Quant aux cuivres, ils ont été joués par Baptiste Michard, un pote à nous qui a gentiment accepté de poser cette ligne. C’est l’une de mes plus grandes fiertés sur cet EP. Donc tout ça pour dire qu’on a pris plus de temps pour tout, enregistrement, arrangement, mix, mastering, etc.

Aurélien : Pour rester dans les arrangements, mis à part les cuivres on retrouve aussi sur cet EP du glockenspiel, du marteau et des percussions contre du matériel sanitaire... Y a-t-il d’autres éléments que tu aurais aimé incorporer dans tes chansons et que tu n’as pas pu, faute de moyens ? Je pense autant à des cordes qu’à une scie sauteuse...

Maxime : La perceuse s’intégrait mal dans le mix, quant aux cris d’enfants étranglés par des lianes, les fréquences du charley interféraient avec eux... c’est con ça aurait vraiment bien rendu à mon avis.

Rabbit : Héhé.

Aurélien : C’est clair Lou Reed l’a déjà fait sur Berlin en plus... Sinon, pour t’avoir rencontré pendant l’enregistrement de l’EP j’ai eu la sensation que celui-ci s’est fait un peu dans la douleur. As-tu eu des doutes sur la direction que tu voulais donner à ces chansons ? Peut-on prendre ça comme une forme de perfectionnisme ?

Maxime : Oh non, je ne dirais pas qu’il s’est fait dans la douleur. C’est juste qu’on a eu une poisse monumentale... Raph s’est fait fracturer sa voiture avec les enregistrements de piano, qu’il a fallu refaire, les premières prises de voix étaient affreuses et on a dû les refaire de zéro également. Les arrangements ont été plutôt longs à mettre en place (on a utilisé ÉNORMÉMENT de pistes sur chaque morceau), le PC de Raph était en permanence à deux doigts de nous déclarer la guerre, et surtout il faut savoir faire avec les agendas de chacun, qui sont tous très remplis, chose normale vu le talent des personnes concernées. La patience a donc été nécessaire. Mais ça en valait vraiment la peine, et là on est tous très contents de ce qu’on a fait.

Rabbit : L’un de nos rédacteurs (on taira son nom, hein, de toute façon tu l’auras reconnu) a écrit sur le forum à propos de Bribing Lonesome Drivers : "A l’heure qu’il est Robert Smith a dû ranger sa trousse à maquillage et doit ch**r dans son froc comme il faut". Dis, t’as pas honte d’humilier tes idoles comme ça ?

Aurélien : Et d’ailleurs, as-tu déjà envisagé le rimel pour t’attirer les fans de Brian Molko ?

Maxime : Merde, moi qui pensait plagier The Bravery...

Aurélien : Y a au moins autant de rimel dans la musique de The Bravery... tu sais ce qu’il te reste à faire. Sinon, tout comme nous (enfin surtout cet acharné de Rabbit), tu es un boulimique de musique et tes goûts sont très larges et éclectiques. Tu écoutes aussi bien les Prefab Sprout que Kanye West en passant par Spoon, Brian Eno ou New Order, pourtant quand on écoute la musique de (Please) Don’t Blame Mexico on a du mal à cerner une influence vraiment évidente. Est-ce que c’est important pour toi de te détacher autant que possible de ces influences ou au contraire essaies-tu de te rapprocher de leur façon de composer et d’appréhender la musique ?

Maxime : Les choses sont un peu biaisées dès le départ, car j’essaie d’écrire des morceaux de "power-pop" au piano. Au niveau de la composition des chansons, mon influence majeure est depuis longtemps XTC, et je me dis toujours que j’essaie de faire du XTC au piano. Mais le fait est que j’échoue en permanence...

Rabbit : Et tant mieux d’ailleurs...

Maxime : ...et c’est peut-être cet échec qui donne un peu de personnalité aux morceaux que je peux écrire. Je ne sais jamais à quoi le morceau va ressembler quand je le commence, je me trouve dans une sorte de zone indéterminée où les influences sont rejetées assez loin, et même si j’essayais de m’en servir, je crois que je n’y arriverais pas. Peut-être que l’influence des groupes que j’écoute est plus présente dans le mix ou la production de cet EP... Des groupes comme Spoon ou Wolf Parade me fascinent autant pour leurs chansons que pour leur son.

Aurélien : Pour rester dans tes goûts musicaux, as-tu été plongé très tôt dans la musique ? Tes parents en écoutaient-ils beaucoup ou alors cette passion est-elle venue sur le tard ?

Maxime : A la maison j’ai toujours entendu ma mère jouer du piano. Ça a dû causer très tôt un certain traumatisme, car vers neuf ans, j’ai décidé de faire du piano juste pour emmerder le fils d’amis de mes parents qui crânait parce qu’il savait en jouer... hum. Par contre on ne peut pas dire que mes parents m’ont "initié" à la musique, en tous cas pas à celle que j’écoute. Même s’ils aiment bien les Beatles, les Stones, des choses comme ça, on ne partage pas grand chose en terme de goûts. Par contre ils sont très ouverts à ce que je leur inflige parfois : ma mère est autant fan de Thomas Fersen que de Liars, quant à mon père il peut enchaîner Múm et Popa Chubby sans problème ! Ado, je me suis mis à écouter de la brit-pop, Oasis surtout, puis du métal, puis du hardcore, pour finir par de l’indé quand je suis arrivé à Paris, au contact notamment de David, de Toy Fight. Aujourd’hui j’écoute par exemple beaucoup de hip-hop ou de musique brésilienne, notamment grâce à lui d’ailleurs.

Aurélien : La pochette de l’EP est magnifique, très cold wave. Est-ce une façon de revendiquer une marotte musicale qui ne s’entend pas forcément dans la musique de (Please) Don’t Blame Mexico ? Y a-t-il des pochettes d’albums qui t’ont marqué ? Je pense peut-être à l’esthétisme de Factory Records...

Maxime : On en revient à la même chose : je ne sais jamais vraiment comment les choses que j’écoute en boucle vont se trouver digérées. Je suis un énorme fan de Joy Division et New Order, et il faut croire que c’est leur graphisme qui m’a inconsciemment influencé. J’aime beaucoup les pochettes austères, qui ont l’air de te rejeter dans un premier temps, celles avec lesquelles tu as l’impression de rentrer dans un sanctuaire un peu secret, celles qui ne sont pas forcément le reflet exact de la musique qu’elles abritent. En tant que collectionneur acharné de disques, j’accorde beaucoup d’importance à ces choses-là oui, et Factory est évidemment une grosse référence pour ça.

Rabbit : En parlant de Factory, ça t’inspire quoi la reformation des Happy Mondays ?

Maxime : Pas grand chose, d’après ce que j’en ai entendu... quand tu sais que Shaun Ryder chante avec un prompteur sur scène, tu mesures l’ampleur des dégâts... De toute façon je ne suis pas un très grand fan des Happy Mondays... la période baggy, tout ça, ça m’intéresse assez peu en fait.

Aurélien : Tu es également chroniqueur pour Voxpop (anciennement Newcomer), y a-t-il des albums qui t’ont particulièrement marqué cette année ?

Maxime : Il y en a tellement ! 2007 est vraiment partie pour être une année archi-riche. je ne compte plus les baffes que j’ai prises depuis six mois, entre le nouveau Spoon, le nouveau Animal Collective, l’album de remixes hip-hop de Ratatat, le The National (comme tout le monde), le Panda Bear... Je pense qu’on est en train de vivre une période musicale très très faste, que les courants novateurs affluent dans tous les sens, que ce soit dans la pop, le hip-hop ou le r’n’b (qui possèdent les meilleurs producteurs à l’heure actuelle). Je suis vraiment heureux de pouvoir assister à tout ça. Et j’oubliais Menomena !!!

Rabbit : Et sinon au fait le nouveau Nine Inch Nails ? J’ai cru entendre que tu étais un fan de la première heure...

Maxime : J’ai pas écouté, j’ai un peu laissé tomber depuis The Fragile ... mais je ne renie absolument pas cette passion. S’il n’avait pas été un chanteur merdique, Trent Reznor aurait pu aller beaucoup plus loin. Sur The Downward Spiral ses idées de production sont démentielles !

Rabbit : Bien d’accord...

Aurélien : C’est un des rares trucs que tu gardes de ta période métal adolescente, NIN ?

Maxime : Je garde encore pas mal de tendresse pour Deftones et Tool aussi, que je trouve plutôt supérieurs au reste mélodiquement et dans les structures. Aenima et Around The Fur sont deux sacrés albums !!

Rabbit : Quel est l’objectif, là tout de suite, pour (Please) Don’t Blame Mexico ? Faire un break bien mérité, se concentrer sur les concerts, commencer à penser à la suite, un album peut-être ?

Maxime : Là tout de suite, c’est trouver un line-up stable. PDBM a connu pas mal de changements depuis la sortie du EP, et là c’est vraiment la priorité. Ensuite j’aimerais vraiment faire le plus de concerts possibles, car je me suis rendu compte qu’on pouvait avoir une certaine puissance live à laquelle je ne m’attendais pas forcément, et à laquelle j’ai vraiment pris goût. Aussi, continuer à enregistrer des nouveaux morceaux avec Laurent, pour que les gens qui viennent sur notre page aient toujours quelque chose d’assez récent à se mettre sous la dent car c’est ce que j’attends des groupes que je suis en tant que fan.

Rabbit : Et côté Toy Fight, il y a du nouveau ?

Aurélien : Des rumeurs font état de possibles répétitions cet été en vue de l’enregistrement d’un album à paraître en fin d’année sur un label ? Info ou intox ?

Maxime : Pas vraiment de nouveau : on attend des nouvelles de la part du label pour pouvoir se lancer à proprement parler dans cet enregistrement...


Propos recueillis le jeudi 12 juillet 2007. Un grand merci à Maxime Chamoux pour s’être à nouveau prêté au jeu, avec le même enthousiasme. Merci aussi à Eglantine Molokostar, auteur des deux premières photos qui illustrent cette interview.

Pour découvrir (Please) Don’t Blame Mexico en écoutant quelques morceaux, une seule adresse : www.myspace.com/pleasedontblamemexico


Interviews - 15.07.2007 par Aurelien, RabbitInYourHeadlights


Bribing Lonesome Drivers.mp3

News // 26 février 2009
Tribute live to Pavement

Le Motel, 8 Passage Josset à Paris (11ème) arrivera-t-il à faire rentrer tous les fans de Pavement décidés à sortir le mardi 10 mars prochain ? Faudra se serrer dans tous les cas puisque seront également présents : Nelson, (Please) Don’t Blame Mexico, Maison Neuve, Orouni, The Mark Ibolds, Two Hats In A Crowd, Sh** Browne venus rendre hommage à ce (...)



(Please) Don't Blame Mexico

"Oh no, don’t blame Mexico" chantait Paddy McAloon sur Swoon, le premier album des regrettés Prefab Sprout. La chanson s’appelait "Don’t Sing". Heureusement, Maxime Chamoux n’a pas suivi ce conseil et n’a gardé que cette phrase mystérieuse et aussi une certaine idée de la pop au moment de fonder son (...)